Insomnies (RP ouvert à tous, n'hésitez pas à particper !)

Il fait sombre, mais je n’ai pas peur… Des bras m’entourent et me protègent… La chaleur d’un corps se presse contre le mien, une odeur familière se mélange à celle des pins, de la terre et de la pluie… On murmure des mots doux dans mon oreille… Je me sens si bien… Un sentiment de paix et de plénitude s’emparent de moi, j’oublie enfin la haine, la douleur et le froid… Je n’ai qu’un seul désir : rester dans ce havre de paix, et dormir… Je le sais, en m’assoupissant dans ce ‘nid’, je ne ferais plus de cauchemars… Plus jamais… Le poids pesant jusqu’à présent sur mes épaules s’allège, je peux le partager…
Le voile se déchire. Incompréhension. Violence. Fiel. Rancœur. Mon cœur à vif, se déchire ; petit à petit la haine enserre ces lambeaux… Quelque chose s’est brisé. Je vois un chemin qui sépare… D’un côté une sombre forêt, faite d’amertume, de solitude. De l’autre, un mur m’empêche de distinguer quoi que ce soit… Le froid envahit mon corps… Pourtant je sens mes pieds qui continuent d’avancer. Une phrase revient sans cesse, comme un leitmotiv :
Et pourtant…

Je me réveille en sursaut, trempée de sueur, mon cœur battant la chamade. Encore un cauchemar… Des morceaux de mon rêve remontent à la surface… Autant de souvenirs qui cherchent à m’engloutir… Chaque parcelles de mon âme hurlent et réclament cette sensation de bien-être présente au début de mon songe… Je tourne la tête vers mon réveil : 2h30. Je me lève en grommelant ; ma nuit de sommeil est terminée, je le sais. Je ne prends même pas la peine de me changer et sors de « chez moi ». Direction les bois.

Les feuilles mortes crissent sous mes pieds nus, et mon vieux pyjama (t-shirt troué et pantalon de jogging) se retrouve trempé en quelques secondes.
- Encore une putain d’averse d’été…
Je préfère la saison froide ; chaque année la neige tombe, pure et innocente car d’un hiver à l’autre elle est différente… Pure et innocente… Alors que le bleu du ciel ne change quasiment pas. Depuis le commencement il est identique ; néanmoins, sa pureté n’est qu’une impression… Un masque… La noirceur des Hommes l’entache. Trop de morts l’ont contemplé, trop de regards s’y sont perdus, aspirant y trouver du courage, de la force, du réconfort dans ces profondeurs… Leurs quêtes ont été vaines ; ils n’ont découvert qu’une immensité vide. La neige, elle, ne laisse rien espérer, tout comme la glace.

Un fois sous le couvert des arbres, ma vraie nature reprend le dessus. D’humaine, je deviens Louve. Mes sens s’aiguisent, et la pluie n’enfonce plus ces griffes dans ma peau. Je me ramasse sur mes pattes, et m’ élance dans la nuit…

Je laisse mes pattes me porter où bon me semble… Je me suis déconnectée de la réalité… Mon monde se résume à la forêt, la terre qui s’enfuit foulée après foulée, et la pluie… Ne plus penser… Juste… Courir et me sentir libre… Depuis quelques temps, l’envie de ne vivre que sous ma forme de loup se fait de plus en plus grande ; ce monde n’est pas vraiment le mien, alors pourquoi y resterais-je ? Il ne me reste aucune famille, bien peu d’amis. Pourquoi pas cette vie plutôt qu’une autre ?
La pluie redoubla d’intensité, m’empêchant de voir plus loin que le bout de ma truffe. Je m’arrêtais près du tronc d’un vieux chêne noueux, et appuyais mon front contre son écorce. Je sentais un peu de son énergie et de son calme m’envahir peu à peu… Ma respiration se fit moins rapide, tout comme les battements de mon cœur. Je fermais les yeux, souhaitant oublier mon cauchemar, ma douleur et surtout, ma haine…

Mes souvenirs prirent à nouveau l’emprise sur mon esprit tourmenté… Ils affluèrent par vague, écume d’un passé douloureux et encore bien trop présent… Mes larmes se mêlèrent à la l’eau des cieux, roulant dans ma fourrure avant de s’écraser au sol, comme nombre de mes rêves et espoirs. Les plaies de mon cœur se déchirèrent une fois de plus, le laissant à vif… Je levais mon museau vers les nuages et hurlais…

J’étais trempée et transie de froid… Cependant ce n’était rien comparé aux griffes lacérant mon cœur… Je ne désire qu’une seule chose : oublier. Ma passé, mon présent, mon avenir, mes sentiments. Laisser la Louve en moi dominer mon esprit, et écarter toutes considérations humaines. Ne faire qu’un avec l’animal. Ce qui m’est impossible… La vraie malédiction n’est pas d’être Loup, mais de l’être en conservant son humanité… Je me roulais en boule contre un vieux chêne ; espérant donner un bref répit à mon âme torturée.

J’entendis quelques petits rongeurs s’enfuir en courant, et sentis leur peur… Tous mes sens en alerte, je relevais la tête, cherchant une quelconque menace… Je cru distinguer une silhouette entre les arbres, sur une colline… Mon instinct me poussait à fuir, pourtant je restais là, allongée sous mon arbre… Je n’ai plus envie de me battre… Je reposais mon museau sur mes pattes, et mes yeux se perdirent dans le vague…

« C'est solide, les cœurs. En règle générale, ils ne se brisent pas. Les cœurs, ça plie sans se rompre. »

Encore cette putain de rengaine… Lue dans je ne sais plus quel livre… Dans un passé lointain… Comment ai-je pu en arriver là… ? Je veux qu’on m’oublie… Et je veux oublier… Je suis si fatiguée... Mes larmes se joignirent à la pluie…

Une main se posa sur mon flanc, contact à la fois rassurant et quelque peu inquiétant… Je ne pris la peine d’ouvrir les yeux… Tant pis c’était un chasseur ou un quelconque ennemi… Je n’ai plus la force ni l’envie de me battre de toute façon...

« - Dan boduog-nat. »

Je sentis une vague de puissance jaillir en même temps que ces mots, et une douce chaleur envahit mon âme calmant ses cris… J’ouvris les yeux et vis Beorn accroupis près de moi. Il semblait fatigué, comme vidé de son énergie… Quel être étrange… Tout en lui semblait attester de sa force, pourtant il paraissait presque vulnérable en ce moment… Que lui était-il arrivé ? Je frissonnais au souvenir de notre première rencontre… Il m’avait alors donné l’impression d’être une brute dépourvue de tout sentiments et de toute forme de pensée… Mais j’avais depuis remis en question ce jugement… Qui était-il vraiment au fond ? Je posais mon museau sur sa jambe, et refermais les yeux.