Women of The Spirits [Pv Felicy et Céleste]

Il m’arrive, des fois, de me sentir incroyablement seule. Une seconde… ai-je bien dit « des fois » ? Non, bien sûr, je voulais m’exprimer autrement; souvent, même. La mort de mes parents y est pour quelque chose. Depuis que j’ai vécu cet événement, je crois bien que je suis la seule au monde à qui ces morts me manquent autant. Je me souviens encore des images des policiers qui déambulait dans ma maison, inspectaient la moindre pièce, me posaient des questions minimes mais qui pourtant, à chaque fois que je leur répondais, me brisaient le cœur. Ce fut l’une des étapes les plus dures que j’ai enduré de toute ma vie. Maintenant, ces gens que j’aimais tellement ne sont plus là pour guider mes pas; et, contrairement à beaucoup d’autres morts, le hasard a fait que je ne les entends pas, eux…

Finalement, c’est peut-être bon signe. Peut-être l’au-delà les a-t-il accueillit, et qu’il n’y a pas de trace d’eux sur Terre parce que justement, ils ont trouvé la paix et ont réussi leur mission spirituelle. Mais… cela veut-il dire qu’ils m’ont abandonné et que cela était leur mission ? Je n’en sais rien, je préfère ne pas y penser, ces détails ont le don de me déstabiliser, et en arrivant à Ghost Island je ne voulais pas oublier mais laisser toutes ces mauvaises pensées de côté.

Il arrive aussi de penser que je suis seule au monde à être dotée de ce drôle de don. Je veux dire, vous savez voir les personnes mortes, vous ? Ou du moins les entendre. Moi, c’est ce qui m’arrive, et depuis ma tentative de suicide, doublé de mon arrivée dans cette ville sombre et étrange, j’en entends plus, et c’est plus clair dans mon esprit. La plupart des gens à qui j’ai eue le malheur de l’avouer m’ont pris pour une folle. Mais chaque réalité a son prix. Et ce don ne m’apporte souvent que malheur. Pour prouver que je suis presque seule au monde. Ce sentiment ne cesse de s’amplifier, et à part Theresa, qui m’écoute attentivement – et que j’ai pourtant rencontré depuis peu à l’église de Ghost Island – je n’ai personne avec qui parler de toute franchise de ce qui m’arrive, ce qui m’alourdit largement.

Mes proches me manquent tellement… et ces voix, ces personnes mortes que je vois me rappellent à chaque fois l’incident qui a marqué à jamais ma vie. Et à chaque voix que je vois ma grande sœur, qui me salue de son sourire éclatant malgré sa forme différente de la mienne, une boule se serre dans mon cœur. Je me demande si un jour, j’arriverais à oublier tout mon chagrin et à ne me rappeler que les beaux souvenirs entretenus au fond de moi. Pour l’instant, tout est placardé dans une armoire au plus profond de moi, qui ne demande qu’à être réouverte.

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Ce matin, tout était beau. Je voyais le Soleil briller dans mes fenêtres, et la chaleur était bien installée, déjà en partant. J’ai toujours aimé le climat de la côte Ouest. Je suis vraiment une fille du sud, et j’aurais bien été malheureuse d’habiter dans ma ville natale, au nord de la France. Quoique… si les malheurs n’avaient pas pu exister là-bas, j’aurais volontiers sacrifié le climat pour garder mes proches vivants.

Aujourd’hui, je n’avais pas d’école. J’étais d’humeur assez nostalgique, et j’avais grandement envie de me plonger dans mon journal intime, dans un lieu bien tranquille, à l’abri des paires d’yeux trop curieux. C’est ainsi que livre sous les bras, étui à crayon dans la main, je me rendis tout droit au cimetière de Ghost Island, non loin de ma propriété, et je m’y installais là, la tête perdue dans mes écrits, tandis que les fantômes se mirent à circuler librement sur ces terres parfois un peu lugubres.

Étrangement, dès que je traversai le portail du cimetière, je sus tout de suite que je ne fus pas seule. Oui, je savais que Meredith s'amusait à me suivre partout où j'allais, et surtout quand j'allais voir sa tombe, mais cette fois-ci, ce fut une autre présence, qui me fit sursauter. Je vis tout de suite qu'il s'agissait d'une humaine, une jeune femme, et elle était seule, entourée de tous ces fantômes qui se promenaient çà et là. Je m'en approchais un peu plus, gênée de voir qu'elle murmurait certainement à un chêne, un grand chêne -probablement représentant d'un de ses proches décédés. Intriguée, je lui adressai la parole, espérant ne pas la déranger.

- Bonjour ! J'espère que je ne vous dérange pas.

Je me mordis les lèvres lorsque je l’entendis pousser un petit cri de surprise et faire aussitôt volte-face. Si je voulais faire une entrée normale et acceptable, eh bien, c’était raté. Je me sentis un peu mal de lui avoir fait aussi peur. J’aurais, après tout, pu lui faire plus attention; surtout qu’il était facile, perdue dans ses pensées, en plus dans un cimetière, de se faire le saut. Malgré tout, elle n’en sembla pas plus affecter, et cela me rassura de voir qu’elle me sourit quand même et qu’elle resta d’une apparente bonne humeur.

Je m’apprêtais à me présenter, pour la rassurer et lui donner un peu plus de confiance, mais je m’arrêtai en m’apercevant qu’elle me regardait intensément. Elle semblait m’observer, et voir au travers de moi-même à la limite. Je me sentis un peu gênée, sur le coup, mais c’était peut-être une idée que je me faisais.

- Vous avez aussi des dons n'est-ce pas ? Je ressens tellement de choses. C'est comme si vous étiez différente et que vous avez de grand pouvoir en vous, fit-elle.

Les paroles de la jeune femme la frappèrent de plein fouet. Elle était décidément vraiment étrange. Cette inconnue n’était donc pas comme les autres. Limite, elle me fit un peu peur, mais je me ressaisis aussitôt. C’était plutôt étrange de se retrouver là, dans un cimetière, première rencontre, et pourtant, cette dame venait de révéler l’une de ses natures les plus profondes, celles que je cache depuis des années à ceux que je ne connais pas assez. Je sentis un frisson me parcourir. Alors elle aussi peut-être voyait-elle et ressentait-elle des choses ? Peut-être n’étais-je donc pas la seule, dans ce monde, à voir des trucs que certaines personnes ne voient pas ?

Elle restait là, immobile, me fixant toujours autant de son regard profond.

- Je… Vous… vous avez des dons ?

Ce furent les seuls mots capables de sortir de ma bouche sous le coup. En effet, je ne m’étais pas aperçue, mais j’étais devenue un peu méfiante, et bien que cela n’aie rien changé à mon ton de voix où à ma posture, je sentis une boule se former dans ma gorge. Pourquoi ? Peut-être parce qu’elle avait vu « au travers » de ma personne et qu’elle avait su détecter mes dons. Ce qui, je devais dire, avait quelque chose d’un peu… spécial. Et je ne sus pas tout à fait comment réagir à ce genre de paroles, et de comportement.

Mais… au fond de moi… je me dis que c’était peut-être une bonne chose que cette personne prenne les choses comme elles sont. Je n’aurais peut-être pas besoin de me faire tant découvrir que cela, au final. Et puis, elle ne semblait pas dangereuse, aussi décidai-je de lui faire confiance. C’était une intuition, une intuition que je décidai de suivre, comme je le fais que très rarement.

- Si c’est ce que vous appelez des « dons », le fait de pouvoir voir des personnes censées être mortes, ou encore d’entendre les voix d’un arbre, quelques fois, alors oui, je pense que… J’en ai.

J’avalai ma salive.

- Et vous, vous avez des visions, n’est-ce pas ? Sinon, vous n’auriez jamais su tout cela.