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 Le collier aux larmes de lune - One sHot - Attention sujet très violent o_O

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Julia Fairmont

Julia Fairmont

Le collier aux larmes de lune -  One sHot -  Attention sujet très violent  o_O Empty
MessageSujet: Le collier aux larmes de lune - One sHot - Attention sujet très violent o_O  Le collier aux larmes de lune -  One sHot -  Attention sujet très violent  o_O Icon_minitimeLun 9 Avr - 14:54



Le collier aux larmes de lune -  One sHot -  Attention sujet très violent  o_O Juliaoneshot2

Spoiler:

Jeudi 20 mai 20h20
Qui pourrait croire que de derrière la fenêtre le monde n'existe pas réellement ? Les passants, la couleur des arbres, le salut du facteur ou encore le bruit d'un crissement de pneus sont autant de petites choses pouvant sans mal endosser le costume d'un univers onirique, indépendant de la réalité, indépendant de nous.
Qui pourrait croire que sous cette apparence paisible, la petite ville de l'état de Washington cachait un terrible secret ? Son centre-ville vieillot, ses commerces, ses quartiers semblant sous l'emprise d'un couvre-feu dès que le crépuscule fait son entrée ne ressemblent-ils pas à tout ceux que nous connaissons par la télévision ou tout simplement en marchant dans la rue. Mais que dire de ses habitants peureux, ses bâtiments fermés laissant petit à petit la nature reprendre ses droits ? Que dire des crimes et des rumeurs les plus folles circulant un peu partout ?
Peut-être que tout cela n'existe pas réellement: cette inquiétude devant les choses abandonnées et vétustes, cette terreur insinuée chez tant de personnes, ce secret. Car de derrière la fenêtre, tout ce que l'on peut imaginer n'existe pas réellement, sauf dans notre esprit peut-être lui même égaré.
Égaré, c'était bien le mot pour qualifier le mental de Julia Fairmont ce soir là. Lentement, elle avait laissé glisser le rideau pour tourner le dos à la fenêtre et observer Roy rassembler quelques papiers dans sa mallette de médecin.




« Tu es encore de garde ce soir ? »

Cela faisait bien deux semaines que la famille Fairmont était arrivée à Ghost Island et de toute évidence Roy faisait tout pour demeurer le moins possible chez lui. C'est ce que Julia pensait alors qu'il s'efforçait d'accepter les missions proposées par son travail pour prouver sa valeur et prétendre bientôt à de nouvelles responsabilités. Aussi ne répondit-il pas à son épouse, se posa sur le canapé en consultant plusieurs feuilles de papier agrafées sur lesquelles figuraient des photos en plus de nombreux commentaires.

« Ta journée au cabinet ne t'as pas suffit ? »

Il ne l'entendait que d'une oreille, se frottant le menton en proie à la réflexion. Ce type avait débarqué aux urgences de l'hôpital de Kennewick la nuit dernière dans un état grave. De toute sa carrière, Roy Fairmont n'avait jamais observé de telles blessures, pas même une meute de coyotes ne pouvaient démontrer autant de sauvagerie et puis il n'y avait pas de coyotes dans l'état de Washington. Des loups ? Alors leur nombre devait être considérable et leur agressivité étrangement décuplée. En état de choc, le type pouvait toutefois parler, enfin éructer des mots au vue de l'état de son cou. Un loup... Un seul d'une taille dépassant la moyenne de celle tolérée pour ces canidés sauvages... Soit ce gars racontait n'importe quoi, soit … soit la bestiole qui l'avait agressé souffrait d'un trouble quelconque qui aurait galvanisé sa taille et sa puissance. Pour le scientifique qu'il était cette perspective restait tout bonnement impensable. Aussi, quand Julia vint s'asseoir à côté de lui pour lui ôter le dossier des mains, il sembla violemment tiré de sa réflexion.

-« C'est confidentiel, rend moi ça ! »

La jolie rousse esquissa un rictus dégoûté en considérant les clichés des blessures du pauvre type et jeta dédaigneusement les feuilles sur la table basse.

-« Alors comme ça tu préfères étudier de telles horreurs que m'écouter. Je dois t'avouer que je suis vexée ». En réalité, Julia se contrefichait de ce qu'elle venait de voir mais souffrait cruellement du manque d'intérêt de son époux, de son absence, de son indifférence. Depuis qu'ils habitaient à Ghost Island, il se noyait dans le travail et faisait office de présence au dîner après son service au cabinet. Quatre soirs par semaine, il disparaissait à Kennewick et Julia ne supportait plus cet abandon. Danielle et Andrew s'étaient parfaitement intégrés au lycée de la ville et, bien qu'ennuyés par le manque de divertissements proposés, ils s'acclimataient.
Julia avait fait, de jour, le tour de la rue mais de toute évidence la sociabilité n'apparaissait pas comme monnaie courante à Colonial Street. Elle qui avait nourri l'espoir de trouver des voisines aussi chaleureuses et cancanières qu'à Chicago...
Mrs. Williams s'était même offerte l'injure de refuser son panier de muffins. Choquée par sa grossièreté, Julia avait tourné les talons, fort déçue de voir, par la même occasion, son entrée au club de bienfaisance de la ville refusée. Cette grosse pimbêche ne perdait rien pour attendre, Mrs. Fairmont saurait convaincre les citoyens de cette bourgade de sa supériorité culinaire et de son don indéniable pour l'organisation des réceptions.

Roy reprit son document et le rangea dans sa mallette.

« Navré, ce n'était pas dans mon intention », rétorqua-t-il. Entre eux, un silence pesant s'installait. Julia refusait d'engager la conversation, rongée par un sentiment d'humiliation et son mari éprouvait le contrecoup de longues nuits sans sommeil. Finalement, il se décida:

« Nous... nous n'avons guère eu le temps de se parler depuis que nous sommes arrivés ici. Est ce que... est-ce-que tu te plais ? Tu te sens... enfin tout va bien ? »

Les bras croisés sur la poitrine, Julia baissa les yeux sur lui et soupira. Comment lui expliquer qu'elle n'osait plus sortir le soir suite à l'avertissement de M. Swann ? Comment lui dire, sans passer pour une bourgeoise trop fière, que les voisins étaient inhospitaliers et grossiers, surtout cette Mrs. Williams ? Et que cette maison, aussi proche que l'ancienne du point de vue de l'aménagement, la rendait nerveuse ? Que ses nuits étaient hantées de cauchemars ? Que la radio ne captait pas la station de musique classique ? Bref que sa vie à Ghost Island relevait du chemin de croix ?!

« Si quelque chose ne va pas, tu sais que tu peux m'en parler ? »

-« Bien... Oui je vais bien mais sache que je me sentirai tout à fait sereine si nous achetions un arroseur automatique pour la pelouse »


Roy baissa la tête en se frottant le front pour apaiser mentalement une migraine qui commençait à vriller son crâne. Il aurait imaginer n'importe quelle réponse à sa question de la part de son épouse mais celle-ci ! Non... Comment avaient-ils pu tomber aussi bas ?

« Oui tu comprends il fait très chaud, pour la saison je dois avouer que c'est un peu original mais après tout. S'il y a un critère qui ne dépend pas de nous c'est bien la météo alors un arroseur automatique serait je pense un achat fort utile et puis au centre-commercial... »

Roy ne put la laisser finir. Il lui saisit fermement le poignet pour décroiser son bras de sa poitrine et la tira vers lui.

« Julia je te parle sincèrement alors arrête ton cinéma. C'est tout à fait légitime que je m'inquiète pour toi, c'est un immense bouleversement et je sais que tu pourrais avoir tendance à... enfin je veux dire... » Il se mordit légèrement la lèvre avant de poursuivre. « Si quelque chose ne va pas, tu dois m'en parler autrement on ne résoudra rien »

Elle garda la tête basse, les yeux fixés sur un point immobile du tapis du salon; peut être qu'elle venait de remarquer une poussière... Une vive émotion la tétanisait, tant de choses se bousculaient, elle ne savait par où commencer sans le froisser. Comment réagirait-il s'il prenait conscience de son désespoir, de la frustration qui la rongeait depuis des années, de la terreur que lui inspirait leur nouvelle vie. Il lui semblait que tout ce qu'elle devait lui dire voulait sortir en même temps mais que sa retenue, l'image qu'elle s'efforçait de livrer à Roy contrebalançait tout. Le souffle court, elle parvint sans grand mal à conserver un visage de marbre qu'elle éclaira d'un sourire un peu trop compatissant:

« Ne t'inquiète pas pour moi, je gère la situation. Le quartier est calme, très … très agréable. Non, sincèrement. J'espère simplement que tu ne vas pas te laisser dévorer par ton travail, nous avons besoin de toi »

Roy comprenait sans mal que derrière ces mots, derrière son expression pré-configurée se cachait un nombre inconsidérable de non-dits et de frustrations. Il porta sa main à ses lèvres pour y poser un baiser. Elle se laissa faire mais ne lui accorda pas pour autant une démonstration d'affection. Roy côtoyait la douleur et la souffrance chaque jour, le cabinet puis le service des urgences de l'hôpital de Kennewick lui livraient toutes sortes de blessures, de pleurs et de cris. Ici, au 4354 Colonial Street, tout respirait le calme et l'ordre. Une tranquillité proprette qui lui permettait, exactement comme à Chicago, d'oublier les pires choses qu'il pouvait lui être données de voir à son travail. Mais depuis toujours, il savait que ce cocon aseptisé cachait son jeu, un jeu malsain qui jour après jour finissait de détruire le lien qui unissait sa famille au profit de cette perfection de façade.

Derrière ce « nous avons besoin de toi » se dissimulait un appel au secours, un cri peut être presque aussi désespéré que celui de son patient à moitié dévoré par un animal sauvage, un cri qu' il voudrait entendre pour de vrai sans pour autant prendre son service en retard.

Julia savait pertinemment que son époux ne resterait pas ce soir, ni le lendemain et ne se résoudrait pas à lui rendre son geste d'affection quand bien même la solitude s'alourdissait chaque jour un peu plus. Elle l'observait tenir sa main d'un détachement aussi limpide que l'apparence de sa sérénité ou, devrait-elle dire, sa neutralité.

-« Je le sais », répliqua-t-il enfin. « Nous sommes jeudi, j'ai mon week-end, nous pourrons passer du temps ensemble. Peut-être que... enfin que nous pourrions discuter »

-« Oh Danielle et Andrew seront ravis. Ils sont très occupés toute la semaine et auront des tas de choses à te raconter ».
Elle s'était levée et dirigée vers un vase rempli de glaïeuls posé sur une console près de la fenêtre. Elle s'en saisit et se dirigea vers la cuisine. Excédé, Roy se leva, rangea le dossier dans sa mallette et lança:

-« Tu peux me dire ce que tu fiches avec ces fleurs, elles sont parfaites ! »

La main crispée sur le mitigeur du lavabo, Julia respira profondément. Roy cherchait à instaurer un dialogue mais elle le refusait, elle ne lui dirai rien de plus ni ce week-end ni dans un mois. Elle finirait bien par s'habituer à cette nouvelle maison, à cette existence qui depuis des années plonge son esprit dans un état ambigüe et douloureux.

-« Non, elles manquent d'eau et se faneront prématurément si je ne leur en ajoute pas ». Un sourire bizarrement radieux éclairait son visage quand elle reposa le vase à sa place. « Je ne te souhaite pas une bonne nuit, je suppose que tu vas t'occuper jusqu'au petit matin »

Serrant la poignée de son attaché-case, Roy retenait sa colère, elle ferait semblant de le prendre pour un fou s'il s'emportait maintenant, juste pour se conforter dans le rôle qu'elle jouait constamment. Mais lorsqu'elle s'approcha de lui, droite comme un « i », un sourire convenu sur les lèvres, le regard trop paisible pour être franc il préféra se détourner pour se diriger vers la porte.
Mais la jolie rousse avait encore une cartouche à tirer ce soir. D'un ton gracieux, elle ajouta:

« Je sors ce soir mais de toute évidence il s'agit là d'un fait qui ne mérite pas ton intérêt. Pressé comme tu es, je craindrais presque que tu oublies de me saluer »

Roy pila, ferma les yeux, baissa lentement la tête avant de se retourner:

-« Tu vas au cinéma ? »

-« Non « Chez Joey » »

-« Joey ? »


Lentement, Julia s'avança vers lui, ses yeux saphirs plantés dans ceux de son époux presque avec provocation. A passer son temps au travail, il ignorait qu'il s'agissait là le nom du bistrot à la mode de la ville. Une fois toute près de de lui, elle s'appliqua à arranger son nœud de cravate avec la même maniaquerie qui imprégnait tout ses gestes.

« Oui « Chez Joey », c'est un bar dans le centre-ville. Ils servent un champagne excellent enfin, pour être plus juste, un vin effervescent aussi délicieux que s'ils l'importaient directement de France. Les enfants se couchent tôt et ne passent que rarement la soirée au salon. J'espère que tu n'y vois pas d'inconvénients ? »

Il l'avait observée s'acharner sur son nœud de cravate comme si leur vie en dépendait avant de tourner les talons sans même attendre sa réponse.

« Bien sur que non, je ne t'ai jamais empêcher de sortir ». En acceptant sans détours sa requête, Roy avait l'impression qu'il devait au contraire l'inviter à faire autre chose comme par exemple appeler une de ses amies du Northside ou regarder quelque chose à la télévision. Il se mordit la lèvre tandis que devant le miroir de l'entrée, Julia sondait la perfection de son maquillage. « Mais tu es certaine de ne pas avoir envie de faire autre chose ? Je n'ai rien contre le vin effervescent américain mais...mais tu sais très bien que la ville n'est pas très sure passée une certaine heure et te savoir toute seule... »

-« Cela ne t'a pas dérangé lorsque je suis allée au cinéma. Il me semble que c'était il y a une éternité ! Et sache que depuis je me permets d'appeler un taxi... comme je n'ai pas de véhicule... »

-« Oui mais c'était lorsque nous sommes arrivés. Je vois des choses dans mon cabinet, sans parler de l'hôpital de Kennewick, cette ville est... Elle est dangereuse, elle est … criminelle »


Il s'était avancé vers sa femme pour la détourner de son miroir et la mettre face à lui. Il ne rentrerait pas avant cinq ou six heures du matin et se sentait totalement impuissant. Il ne pouvait la retenir sous peine de passer pour un tyran et encore moins empêcher Ghost Island d'être ce qu'elle était. Julia l'observait avec un léger sourire, de toute évidence satisfaite de susciter l'intérêt de son époux mais en même temps consciente que toutes les péripéties de l'actualité locale ne suffirait pas à le retenir à la maison.

-« Je finirai presque par croire que l'idée que je sorte en solo te déplait », fit-elle en riant.

-« Bien sur que non Julia c'est juste que... Enfin sois prudente on ne sait jamais. Je file, bonne soirée ». Il la rapprocha de lui, ses deux mains posées sur ses épaules, posa un baiser sur sa joue et parti.

La porte se referma. Le bruit sembla résonner dans toute la demeure, assourdissant à ses oreilles et meurtrier dans son cœur. Elle demeura dans l'entrée quelques instants, immobile, le baiser de Roy sur sa joue lui paraissant encore si présent alors qu'il n'était plus là. Elle entendit le moteur de la Lexus ronronner, les pneus glisser sur la castine de l'allée et puis plus rien. Il avait rejoint la route et son asphalte aussi lisse qu'un plan de travail en marbre fraichement astiqué.

Andrew descendit l'escalier et se dirigea vers le réfrigérateur.

« Papa est de garde ce soir ? », demanda l'adolescent en se servant un ramequin de crème brûlée. Toujours face à la porte, Julia ne lui répondit pas immédiatement. Ce n'est que lorsque le garçon se décida à remonter sans même avoir eu la réponse à sa question qu'elle se décida:

-« Oui. Il ne rentrera qu'assez tôt demain matin et il m'a assuré avoir pris son week-end »

-« Okay c'est cool »
. Alors qu'il se trouvait à la moitié des escaliers, il s'arrêta pour considérer sa mère qui lui semblait prostrée. « Ça va ? T'as l'air bizarre, tu ne regarde pas « Les experts Miami » ce soir ? »

Brusquement ramenée à la réalité de sa solitude, Julia se retourna et accorda à son aîné un sourire ravi.

-« Si bien sur, je m'apprêtais à allumer la télévision. Bonne nuit mon chéri. Sais-tu ce que fais ta sœur ? »

- »Oh comme d'hab' il est 9 heures passées, elle fini ses devs, va passer une heure au téléphone avec Jennifer avant de tomber comme une masse. Bonne nuit ! »


Il finit de grimper les escaliers. Julia l'entendit marcher dans le couloir et fermer la porte de sa chambre. La soirée lui appartenait, à elle d'en user comme elle le souhaitait. L'idée de sortir ne l'enchantait guère plus que regarder un programme quelconque mais elle savait qu'en demeurant chez elle, les choses seraient pires.

*****

« Oui, la station de taxi ?... Exactement... Au 4354 Colonial Street. Merci... Bonne soirée »

Le téléphone raccroché, elle retourna vers le miroir. Depuis bien longtemps déjà elle ne boutonnait plus ses chemisiers de soie jusqu'en haut du cou. Celui-ci, de couleur noire cintrait sa fine silhouette et dévoilait le haut de son décolleté habillé d'un collier de perles. Un pantalon sombre et élégant accompagné d'escarpins complétaient sa tenue. Sobre et recherchée à la fois, la garde-robe de Julia Fairmont n'avait rien d'extravagant. Le raffinement de son allure, de sa démarche, de ses gestes et de sa voix suffisaient à la distinguer.

Le taxi serait là dans une minute, elle vérifia son sac à main: papiers d'identité, carte bleue,argent liquide, lingettes désinfectantes, agenda et un carnet de photos. Elle ne l'avait pas regardé depuis une éternité et le sorti, l'observa avant de l'ouvrir. Les clichés défilèrent : un de son mariage, les enfants à différents âges et le dernier les ayant figés tout les quatre devant la demeure de Northside. C'était le jour de la fête nationale, il y a un an. Andrew affichait une mine boudeuse, il n'aimait pas vraiment les photos et encore moins dans des situations aussi stéréotypées, Danielle quant à elle semblait joyeuse. Roy montrait un visage tranquille, un léger sourire sur les lèvres, l'expression d'une personne satisfaite, d'une personne qui profite chaque jour de la réalisation concrète de l'un de ses plus grands rêves. Quand elle arriva à son tour, Julia ne parvint pas à déchiffrer son expression. « Contente » c'est le mot qui lui vint à l'esprit, un mot plat presque grossier qui passe partout, un mot qui ne veut rien dire. Peut-être bien que ce qu'elle dégageait ne renfermait aucun sens aussi. Le temps se suspendait tandis que son attention se voyait totalement absorbée dans ce tableau du passé et sa signification. Derrière eux l'imposante demeure, autour la pelouse si parfaite qu'elle semble une moquette, la pelouse où se bagarrent en ordre rosiers, hortensias et buissons de lavande.
Lentement, Julia referma le carnet et le rangea dans son sac. Le taxi ne tarderait plus et elle devait absolument éviter de le faire attendre pour éviter le fameux coup de klaxon qui interpellerait Danielle et Andrew.
Elle laissa le salon éclairé, sorti puis ferma la porte à double tour.

La chaleur de la nuit la saisit. Pourquoi lorsque le jour tombait, l'atmosphère demeurait si étouffante ? Elle ne s'y accoutumait pas et préférait de loin la fraîcheur climatisée de son foyer. Un frisson parcouru néanmoins son dos alors qu'elle se posta sur le trottoir. Le taxi ne se fit pas attendre et déboula l'instant d'après au coin de Colonial Street. Il s'arrêta devant elle et Julia s'y engouffra sans trainer. L'habitacle de la Taurus était frais et renvoyait un relan de parfum d'intérieur au bois de santal.

« Alors je vous emmène où, principessa ? » L'homme n'était plus très jeune et possédait un fort accent italien.

-« Au bar « Chez Joey » je vous prie »

-« C'est comme si c'était fait »,
rétorqua le chauffeur en démarrant. Une fois sorti de chez elle, Julia sembla se détendre. Elle porta son attention sur la fenêtre. Les rues étaient totalement désertes. En une minute, le taxi ne croisa personne.

« Il y a quelque temps que là où vous habitez c'était vide. Je m'appelle Antonio mais tout le monde à Ghost Island me surnomme Tony »

-« Enchanté Tony. Moi c'est Julia »


A cette mention, les yeux du vieil homme se teintèrent d'une douce allégresse.

-« Ma sœur s'appelait Giulia. C'est un très joli prénom tout droit venu d'Italia. Si... Daverro un carino nome... Vous habitez dans un lotissement tranquille Julia mais je... Vous sortez souvent le soir ? »

La jolie rousse l'interrogea du regard tandis qu'il jetait un œil sur elle dans le rétroviseur.

« Je vous demande juste ça pour vous rappelez que... enfin que la prudence est de mise ici, dans votre quartier ou ailleurs »

-« A l'instant vous me disiez que c'était un endroit calme »,
répondit-elle avec un sourire en soutenant ses yeux dans le rétroviseur.

Le chauffeur passa sa main sur le haut de son crâne dégarni.

-« Oui, oui c'est vrai que Colonial Street est... Enfin c'est... Vous savez c'est comme partout, les femmes toutes seules, surtout aussi jolies que vous, doivent se méfier »

-« Mon mari m'a parlé de cette ville comme étant criminelle. Vous êtes d'accord ? »


-« Et bien c'est que... Oui il y a pas mal de crimes ces derniers temps, des trucs assez moches sans vouloir finir de vous terroriser. Mais nous avons un ange providentiel, l'adjoint du shérif Monsieur Sanderson et sa jeune collègue Miss. Brooks. On dirait qu'il ne se fiche pas de tout ce qui se passe ici, qu'il ne veut pas que tout parte en cacahuète. C'est tellement affreux ce qui arrive... Il y met de la bonne volonté mais je... je ne sais pas qui est ce tueur mais il se contrefiche des règles et il arrive à ses fins d'après ce que raconte la presse locale »

Calée au fond du siège, Julia avait rapproché son sac à main pour le tenir serré contre elle. Autant lorsque Roy l'avertissait de la dangerosité de la ville, elle ne craignait pas grand chose autant dans la bouche de ce chauffeur cette déclaration l'angoissait, la pétrifiait presque.

-« Mais cet ange providentiel comme vous dites, il a probablement une piste. Sans vouloir vous vexer cette bourgade n'est pas très grande, ce psychopathe ne peut pas être loin »

Un sourire plein de bonhommie glissa sur le visage de Tony.

-« Vous avez surement raison... Nous y sommes, « Chez Joey ». Ça vous fera 30 dollars. Amusez vous bien ma petite dame et faites attention à vous »

Julia lui tendit l'argent, se libéra de la ceinture de sécurité.

-« Merci Tony. Peut-être à une prochaine fois »

Il lui répondit d'un geste de la main lorsque la portière se referma. Julia observa la Taurus disparaître dans une rue perpendiculaire à la voie centrale qui traversait le centre-ville. La musique du bar lui parvenait de l'extérieur, elle ne s'attendait pas vraiment à ce raffut mais elle n'allait pas repartir maintenant.
Elle se retourna et observa la façade de l'établissement, plutôt glauque à son goût mais l'effervescent y était, semble-t-il, délicieux et puis ça lui changerait les idées. Elle poussa la porte et constata que les clients n'étaient pas si nombreux. En milieu de semaine dans les petites villes la fréquentation n'est pas toujours extraordinaire.

Elle s'avança jusqu'au comptoir pour passer sa commande et constata avec dépit que Monsieur Swann n'était pas de service. Celui qui s'en occupait semblait connaître tout le monde et ne cessait de plaisanter, probablement le patron. Il s'approcha d'elle, un torchon à la main:

« Bonsoir ma beauté vous prendrez quoi ? »

Julia arqua légèrement un sourcil et fit un effort pour se concentrer sur l'aspect convivial de ce genre d'abord.

« J'ai entendu dire que votre vin effervescent valait le détour et je... »

Il ne la laissa pas finir pour rebondir sur ses propos et lui lancer:

« Ah pour sur qu'il est gouteux! Mais je me disais qu'une dame aussi élégante que vous préfèrerait du champagne, du vrai bien évidemment ! »

Le boss voyait clair, le verre de champagne se vendait très cher et il était persuadé que cette nana possédait de quoi rentabiliser sa soirée un peu longue à démarrer.

« Alors c'est parfait servez moi un verre de champagne », fit-elle en se détournant pour s'installer à une table près de la fenêtre. Le vieux rock crachait peut-être un peu trop fort mais la rouquine ne regrettait pas de s'être offert ce tête-à-tête avec elle-même dans un endroit nouveau. Certes Ghost Island restait une toute petite ville et elle ferait bien vite le tour de toutes ses attractions mais ça changeait de l'ordinaire. Alors qu'elle se retrouvait seule dans un endroit neutre, elle songea étrangement aux paroles du chauffeur de taxi sur sa maison qui resta inhabitée un certain temps. S'ils avaient pu discuter plus longuement, elle lui aurait demandé des informations sur les anciens propriétaires et aussi sur le passé de cet endroit. Par curiosité, Mrs. Fairmont voulait savoir, juste par curiosité...

« Et voici pour vous »

Le patron venait de lui servir une coupe remplie du délicieux nectar pétillant.

-« Je vous remercie »

Contrairement à ce à quoi elle s'attendait, l'homme resta planté à côté de la table en la dévisageant.

-« J'vous ai jamais vu ici. Vous venez d'arriver dans l'coin ? »

Elle devait se montrer aimable et sociable quand bien même elle aspirait à déguster le verre qui lui tendait les bras en paix. Lui adressant un sourire poli, elle rétorqua:

-« Depuis un peu plus de deux semaines »

-« Je suis sur que vous vous plairez ici. L'avantage des petits villes c'est qu'on se connait tous. Ce soir c'est calme mais d'habitude c'est la fiesta ici, les nanas montent sur le comptoir j'vous raconte pas ! »

Soit cet imbécile le faisait exprès pour la provoquer soit les effluves d'alcool avaient passablement émoussé son sens de la psychologie, qualité indéniable chez tout bon commerçant selon elle.

-« Oh inutile de me décrire plus précisément la folie de vos soirées, je vois ça d'ici »

-« Je ne disais pas ça pour vous choquer ma jolie mais c'est pour que vous sachiez que c'est un endroit sympa malgré c'que les troubles-fêtes disent »

Baissant les yeux sur son verre, Julia le considéra un moment avant de reporter son attention sur le barman:

-« Oh rassurez vous je n'en ai jamais douté ». Son ton légèrement sec, tout en restant courtois, incita son interlocuteur à prendre congé.

-« Si vous avez besoin de quoi que ce soit n'hésitez pas »

-« Je vous remercie »


Enfin tranquille, la jolie rousse porta le verre à ses lèvres. Les bulles glacées crépitaient et la saveur sucrée du champagne lui fit fermer les yeux. Intimement concentrée sur la sensation du pétillant, l'odeur et le goût de l'effervescent, Julia oublia la musique trop forte, le carreau sale de la fenêtre à côté de laquelle elle s'était installée, son sentiment de solitude et son angoisse, toutes les choses qui faisaient sa vie.


Dernière édition par Julia Fairmont le Mer 11 Avr - 13:15, édité 3 fois
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Julia Fairmont

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Le collier aux larmes de lune -  One sHot -  Attention sujet très violent  o_O Empty
MessageSujet: Re: Le collier aux larmes de lune - One sHot - Attention sujet très violent o_O  Le collier aux larmes de lune -  One sHot -  Attention sujet très violent  o_O Icon_minitimeLun 9 Avr - 14:56



« Envoie moi une autre bière Joey »

Appuyé au comptoir Aaron Sullivan savourait la fin de sa journée, une journée passée à remorquer des voitures en rade et effectuer les rares réparations que James lui laissait faire. Déjà un mois qu'il habitait cette ville de pecnots. Habiter était un grand mot, il dormait au motel et l'idée de prendre un appartement en location ne le tentait pas. Ne pas avoir de chez-soi lui donnait la sensation d'être libre, de pouvoir partir d'ici sans contraintes. Sauf que pour sa sécurité il devait se faire tout petit, ne plus jamais remettre les pieds à Los Angeles ou tout autre endroit figurant sur les cartes routières. William lui avait recommandé Ghost Island. Ici personne ne viendrait le chercher.

Au fil des jours, l'ancien taulard avait compris qu'un problème évident de sécurité régnait dans cette ville. Il n'irait pas jusqu'à dire que l'anarchie régnait, mais la liberté d'action restait très grande sans grand risque de se retrouver au trou. Oiseau de nuit, il n'avait pas tardé à rencontrer des gars qui lui plaisaient bien. L'un dealait du crack, l'autre avait été coffré plusieurs fois pour attentat à la pudeur, et agression à main armée et les deux autres, des frères venaient de Kennewick ne ressemblaient en rien à des anges au contraire, une réputation perverse et criminelle les précédaient dans le milieu de la petite pègre mais la police n'arrivait pas à leur mettre la main dessus. Ces deux là l'intéressaient tout particulièrement. A discuter avec eux, il découvrit qu'ils n'avaient pas hésité à tuer plusieurs fois, froidement et proprement pour ne pas se faire pincer. Ils formaient déjà un petit groupe lorsque Sullivan les rencontra.
Jeunes et pas vraiment soudés, il leur manquait un chef. Au Temple de l'Orgie, la discothèque de Ghost Island, ils repérèrent ce mec plus âgé qu'eux au costume clean qui ne lésinait pas sur les apéritifs tout en conservant, toute la nuit durant, un self-control, une distance et un sombre charisme qui imposait le respect.
Aaron comprit très vite le manège des jeunes voyous, il alla à leur devant avec son assurance sans faille,et depuis, ils partageaient le crack ensemble.
Mais les soirées restaient longues, trop longues. Quant aux flics... Il restait persuadé que s'il allaient sniffer sous leur nez, ils ne sortiraient même pas de leur véhicule de patrouille.
Jouer un peu... C'est ce que les gars lui avaient dit la dernière fois qu'ils se retrouvèrent dans le hall de la clinique désaffectée. Dans leur façon d'insinuer leur requête, le fin psychologue qu'il était compris qu'ils attendaient quelque chose de lui pour l'imposer comme le chef de la bande.

Aaron adorait être mis au défi et venait tout les soirs ces derniers jours boire un verre « Chez Joey » pour réfléchir mais surtout observer. Mais c'était calme, trop calme... Pourtant la presse locale ne parlait que de ces crimes sanguinaires et bien évidemment de la météo exceptionnelle.
Il ajusta le nœud de sa cravate. A le croiser en soirée, rien ne soupçonnait qu'il s'agissait du mec qui travaillait au garage Wood et Cooper. Il ressemblait plutôt à un courtier en assurance, un avocat ou encore un médecin spécialiste. De plus il ne racontait pas sa vie, à personne. Ainsi il pouvait jouer les caméléons sans se préoccuper des incohérences. Surement que des personnes physionomistes ayant déjà affaire eu à lui pour un ennui de voiture le reconnaitrait ainsi vêtu mais comme il ne recherchait pas le contact, ce genre de situations ne se présentait pas.

La bière arriva devant son nez et il la régla d'office. Joey appréciait cette catégorie de client qui ne mettaient pas le bazar, payaient, partaient et revenait régulièrement. Mais il devait avouer que ce type avait quelque chose d'inquiétant. Son regard sombre dégageait quelque chose de sauvage, presque animal.

« Merci bien »

Il porta la pinte à ses lèvres quand la porte s'ouvrit. Comme à son habitude, Aaron observa discrètement et quelle ne fut pas sa surprise de reconnaître la femme à qui il avait voulu taxer du feu devant le cinéma il y a plus d'une semaine. Son geste s'arrêta, il songeait à nouveau à cette soirée. Il s'ennuyait ferme, n'ayant pas encore rencontré les gars, et cette nana tranchait. Sobre et chic, limite un style coincé, des cheveux flamboyants, un corps mince et un minois à croquer, il la voulait. Ce soir là, il l'avait suivi au volant du vieux 4*4 du garage afin de trouver le moment propice pour l'aborder et la coincer dans une petite rue.
Malheureusement pour lui, un autre type était entré en scène et quelque chose lui disait qu'il ne valait mieux pas le chatouiller. Frustré, presque en colère d'être passé à côté d'une merveilleuse occasion de plaisir sans se soucier des répercutions policières,avantage indéniable d'habiter Ghost Island, Aaron les avait suivis un certain temps, fumant et faisant ronfler le vieux GMC puis les avaient dépassés en les fixant, lunettes de soleil, en pleine nuit, et cigarette au bec.

La chance finissait par tourner, pour tout le monde. Il cessa de la dévisager pour ne pas attirer son attention se contentant de tendre l'oreille lorsqu'elle s'approcha du comptoir à deux mètres de lui.
Un sourire carnassier se dessina sur ses lèvres en entendant la belle accepter une coupe de champagne plutôt qu'un simple vin effervescent. Bien qu'ayant obtenu un train de vie particulièrement élevé à Los-Angeles et tout particulièrement la riche banlieue de cette ville, Sullivan ne pouvait s'empêcher de mépriser ceux pour qui l'argent n'était pas un problème. Son enfance difficile, sa déviance vers la délinquance pour enfin par opportunisme et chance en faire son métier dans la haute bourgeoisie du 7ème art et maintenant la galère d'être prisonnier de ce bled... S'il avait pu naitre dans un foyer aisé, faire de belles études, endosser la carrière d'avocat ou de médecin... Mais il n'avait rien de tout cela, rien du tout, à part peut être l'habit, passerelle parfaite pour intégrer le troupeau de moutons sans pour autant tomber ses crocs.

La nana s'installa près de la fenêtre plongée dans ses pensées. Il voulait la détailler de plus près, les traits de son visage, la qualité du tissu de ses vêtements, revoir la couleur de ses yeux, de son rouge à lèvres. Joey lui servit la coupe de champagne et échangea quelques paroles avec elle. Sullivan ne se gêna pas pour la dévisager à nouveau, juger de son malaise par sa retenue, le côté préfabriqué de son sourire. Minauderies de bourgeoise mal baisée...
Enfin le patron tourna les talons pour retourner à son ouvrage. Elle porta le verre à ses lèvres et ferma les yeux. Amusé, l'ex-taulard passa la langue sur ses lèvres. Cette nana débordait de sensualité, le savait-elle ? Il décida de ne pas l'aborder immédiatement. « Savoure ton champ' ma belle », songeait-il. « Aaron te réserve une petite surprise qui va secouer ton brushing »
L'habitude des bars et des discothèques lui offrait une expérience affutée des personnes qui les fréquentaient. Rien qu'à observer cette fille il devinait que quelque chose clochait, elle appréciait trop le champagne, portait une alliance et sirotait de l'alcool dans un débit de boisson à 21h42 sans son mec.
De son côté il prit une gorgée de bière et se retourna face au comptoir. Joey essuyait des verres en face de lui et Aaron entama la conversation:

« C'est calme ce soir... »

Le patron haussa les épaules en réajustant l'alignement des verres à vin.

-« Oui c'est difficile d'attirer du monde en semaine. Par contre le samedi soir c'est bondé. Si vous aimez la fête venez, c'est très sympa »
Il opina et jeta exprès un coup d'œil sur la rouquine.

« Mignonne n'est-ce-pas ? », poursuivit-il en lui adressant un clin d'œil.

-« Oui très jolie », rétorqua Aaron qui joua parfaitement un certain dépit. Devant sa mine déconfite Joey lui tapota l'épaule.

-« Allez-y, elle est toute seule un peu de compagnie ne lui fera surement pas de mal et puis franchement vous vous êtes regardé ?! Vous avez toutes vos chances ! »

-« Vraiment ? Oh je ne crois pas... A votre avis je fais quoi dans la vie ? »


Le barman sembla réfléchir avant de répondre:

-« Je vous vois bien directeur d'une agence bancaire, je sais pas pourquoi vous avez ce côté … comment dire... »

-« Intello ? ».
Aaron prenait son pied et se dit qu'il aurait surement réussi une brillante carrière de comédien.

-« Oui intello mais aussi qui a la tchatche, qui brasse du pognon. Vous devriez tenter le coup »

-« Bah je suis certain que son mari lui suffit et puis... je sais pas je me trouve si banal alors qu'elle.... »
Que pouvait-il inventer pour passer pour un con ? « Elle est... enfin elle doit pas fréquenter des types coincés dans mon genre... »

Joey éclata de rire en servant deux martinis à un couple d'une cinquantaine d'années et revint vers lui, les mains en appui sur le comptoir:

« Vous avez un sourire de tombeur et des sapes de politicien, à mon avis vous êtes pile le genre de gars qui lui fera oublier son petit train-train... Vous voyez ce que je veux dire ? »

Aaron baissa la tête en souriant comme pour corroborer la théorie de son interlocuteur sur sa splendide risette ultra-brite.

-« Okay alors je me lance mais si je me ramasse un vent vous aurez de mes nouvelles »

Ponctuant la fin de sa phrase d'une œillade amusée, Sullivan se détourna et s'avança vers la table occupée par Julia.

« Bonsoir. Excusez moi de vous aborder comme ça mais c'est un peu mort ici ce soir. D'habitude je n'arrête pas de faire la causette à mes voisins de table mais là ... »

Tirée de ses pensées, elle reposa la coupe. Elle ne s'attendait pas du tout être sollicitée et ne su pas vraiment quoi lui répondre. Mais l'avantage d'une éducation parfaite, d'une courtoisie qui frôle l'hypocrisie et le déni de personnalité résidait dans la capacité intrinsèque à répondre par une phrase toute faite:

-« Je vous en prie. Je n'attends personne et puis c'est toujours plus agréable de parler à quelqu'un qu'à une chaise vide »
Cet homme ne lui disait rien, en même temps elle ne connaissait guère la ville et ses habitants. A observer sa tenue, il s'agissait surement d'un cadre, cadre supérieur ou profession libérale.

Aaron afficha un sourire poli, tira la chaise pour se retrouver face à elle. Il devait résister à l'envie de la dévisager, de sonder ses yeux d'un bleu éclatant, son teint d'opaline, la courbe de sa nuque. Nerveusement il se frotta le menton et décida de jouer le mec timide se doutant que ce genre de femme éprouve un sentiment de sécurité face à ce genre de bouffon.

-« Oui c'est certain... » Comment s'appelait l'avocat d'un de ses gars à Kennewick ?... Ah oui ! « Je me présente Mike Dilingston ». Il lui tendit la main gauchement, exprès, et se dit que si la belle avait un côté salope elle lui suggèrerait un baise-main.

Julia considéra un instant la paume qui se tendait vers elle avec la désagréable impression que cet inconnu empiétait sur sa bulle. Néanmoins elle s'efforça d'afficher une mine avenante et la lui serra en guise de présentation.

-« Julia Fairmont, enchantée. Je... N'allez pas croire que je suis une habituée de ce genre d'endroits mais je persiste à me dire qu'il est important de s'accorder des moments rien qu'à soi »

Aaron feinta la gêne. Tout était vraiment trop facile...

-« Oh je comprends... Vous avez surement envie de rester un peu seule. Excusez moi ». Il commença à se lever pour retourner d'où il était venu mais elle intervint:

-« Oh mais vous pouvez rester. Lorsque je parle de moments rien qu'à soi cela ne signifie pas que je ne dois parler à personne »

Il se rassit et but une gorgée de bière, les yeux rivés sur le collier de perles ornant son cou et le haut de son décolleté. L'air de rien il la regarda à nouveau dans les yeux :

-« Je vois... Vous voyez, moi il m'arrive de venir ici de temps en temps après la journée de travail. Je suis avocat à Kennewick mais ma mère habite Ghost Island. Elle est veuve et elle apprécie de me voir plusieurs fois dans la semaine. Je crois que nous devons bien ça à nos parents. Après tout ils nous ont élevé et permis de faire quelque chose de notre vie ». Combien de niaiseries dans ce genre devrait-il encore balancer pour la mettre en confiance et passer aux choses sérieuses. « Et vous ? Vous faites quoi dans la vie ? »

-« Oh et bien j'ai une licence de psychologie mais je n'exerce pas, mon époux est médecin. Avant nous habitions Chicago mais depuis quelque temps... enfin nous avons déménagé, il possède son cabinet en ville et effectue aussi des gardes à l'hôpital de Kennewick »

**« Merde une psy »,** songea Aaron. Enfin cette mijaurée se contentait visiblement de faire la popote dans sa grande et belle maison sans jamais mettre en pratique concrètement ce qu'elle avait pu apprendre à l'université.
-« Quel dommage que vous n'exerciez pas votre profession. Enfin ce ne sont pas mes affaires je ne veux pas paraître discourtois. Vous verrez Ghost Island est une petite ville très agréable. Vous avez des enfants ? » Comme s'il en avait quelque chose à faire mais bon...

-« Oui deux, un garçon et une fille ». Julia porta la coupe de champagne à ses lèvres et constata qu'elle était presque vide. Elle ne s'était pas rendue compte de la vitesse à laquelle elle l'avait descendue. Quelle importance, elle ne conduisait pas ce soir. L'homme en face d'elle semblait un peu déstabilisé par une quelconque timidité. Étonnant, il était bel homme, dans sa tenue et sa démarche elle ne trouvait aucun faux pas ce qui témoignait d'une assurance assez installée. Peut être qu'elle l'impressionnait... Bizarre car il affichait la quarantaine passée et n'avait rien d'un gamin. Elle baissa les yeux sur son verre tandis qu'elle sentait qu'il ne la lâchait pas du regard. « Ils sont grands maintenant », ajouta-t-elle. « Ils vont au lycée et comme tout les adolescents ils ne courent pas après les sorties en famille quand bien même si celles-ci se font dans un bar ».

Elle lui accorda un léger sourire et les yeux sombres de l'homme étincelèrent d'une joie sauvage. Visiblement elle lui faisait de l'effet. Mrs. Fairmont termina la coupe de champagne. Elle ne savait pas trop quoi lui dire désormais.

Aaron s'impatientait mais il s'efforça de paraître placide, l'air de ces types qui prennent du bon temps après une journée de travail.
-« C'est génial des ados, mes fils ont 16 et 18 ans et je crois que je peux me vanter d'entretenir de bonnes relations avec eux. Pour beaucoup de gens c'est pas facile de se comprendre mais là ça marche. Enfin, espérons que ça dure », conclu-t-il en riant. Allez ! Le charme allait opérer, son œillade et son sourire séduisant mettait à plat toutes les femmes, quelle que soit leur vertu !

Mais elle lui sembla absente, presque mélancolique. Julia n'avait rien raté de son numéro de charme mais elle n'y prêta aucune attention. Ses rapports avec Andrew et Danielle ne s'exprimaient pas avec hostilité mais les liens, aussi forts qu'ils soient, ne se manifestaient pas réellement. Ils se parlaient lors des dîners ou à la sauvette entre deux activités mais partageaient-ils vraiment leur quotidien ?

-« C'est tout le bonheur que je vous souhaite », fit-elle en reprenant un sourire appuyé.

Plus les secondes passaient, plus Aaron regrettait de ne pas l'avoir surprise dans une rue déserte de la ville. Ses lèvres lui faisaient envie, son cou, ce collier et ce chemisier étaient de trop, il les arracherait vite fait bien fait. Se redressant, il s'empara de la coupe de champagne vide:

-« Vous prendrez bien un autre verre, c'est moi qui vous invite ! »

Elle acquiesça visiblement ravie et il se rendit au comptoir:

« Joey! Une autre coupe pour Madame »

Le patron s'approcha, la mine réjouie de constater que les choses ne se passaient pas trop mal pour son client.

-« Alors ? », fit-il avec un rictus.

-« C'est dans la poche », grinça Sullivan d'une voix sèche qui surprit son interlocuteur. En retournant s'asseoir, il lui avisa un regard malsain mêlant satisfaction et perversion. Joey s'empara d'une pinte qu'il se mit à essuyer machinalement tandis que son attention restée concentrée sur son client. L'expression qu'il venait de surprendre chez lui le laissait songeur et en proie au doute. En effet, en l'espace d'un instant, celui qu'il prenait pour un cadre supérieur un tantinet inhibé lui dévoilait autre chose qui le mettait mal à l'aise. Avait-il bien fait de l'inviter à rencontrer la rouquine au champagne ? Il savait bien que la ville renfermait de drôles d'oiseaux ces derniers temps et ce type là en faisait-il partie ? Il continuait de faire la conversation à la belle bourgeoise avec une certaine candeur. Elle l'écoutait par courtoisie, il le saisissait clairement, elle aurait surement aimé rester seule.

« Vous voyez », fit Aaron le regard pétillant et le sourire de séduction en branle -exit le mec timide- , « Mon épouse fait venir son champagne d'un petit producteur français que nous avons rencontré lors d'un voyage là-bas. Oh ! C'est quelqu'un de charmant et je dois vous avouer... »

Il se pencha vers Julia pour l'inviter à faire de même. Elle s'exécuta. Finalement cet homme possédait une conversation assez divertissante. Elle oubliait, en se forçant à l'écouter avec attention, ses angoisses et ses frustrations et la soirée passerait comme ça, tranquillement. Peut-être prendrait-elle une troisième coupe de champagne avant de rappeler un taxi et rentrer chez elle.

« Je dois vous avouer... », reprit Sullivan en inspirant avidement la délicatesse de son parfum, la douceur de la mèche de cheveux qui glissa sur la table pour se poser sur sa main. Zut, il ne se souvenait plus de ce qu'il devait ajouter... Vite trouver un truc bidon pour la faire rire ou juste finir de l'intéresser à lui... Ah voilà ! « Qu'il nous fait des prix très intéressants lorsque nous l'achetons en caisse de 6 bouteilles ». Il resta penché en avant tandis qu'elle se redressait pour enchaîner:

-« Vous devriez me donner les coordonnées de ce viticulteur M. Dilingston ».

Aaron se cala à nouveau dans sa chaise en la sondant au plus profond des yeux. Ce manège commençait sérieusement à l'agacer. Sa véritable nature peinait de plus en plus à rester dissimulée et la proximité entretenue quelques secondes avec son interlocutrice faisait bouillonner ses nerfs. Ce soir les gars sniffaient du crack dans l'ancien asile. Leur QG habituel de la clinique désaffectée semblant un peu plus surveillé depuis deux jours. Personne ne venait jamais au Roosvelt Asylum, les gens racontaient des trucs de dingue à son sujet. Ancien sanatorium reconverti en asile psychiatrique, il était fermé depuis 1999. Parait-il que les malades auraient massacré tout le personnel soignant lors d'une mutinerie... Paraitrait même que, pendant des années, une infirmière y aurait pratiqué les sciences occultes. Aaron ne tenait aucun compte de toutes ces rumeurs, il recherchait simplement la clandestinité pour s'occuper en dehors de son travail officiel au garage Wood et Cooper. Il imaginait ses potes, assis là en cercle dans une chambre, un vieil appareil de lobotomie trainant sur un guéridon rouillé. Il imaginait leur tête s'il leur ramenait une jolie nana, la soirée s'annoncerait encore plus sympa et surtout ces mecs auraient une dette envers lui et n'ayant aucun moyen de l'honorer le considèreraient comme leur chef.

Bien, bien, bien. Le plan de Sullivan était clair dans son esprit dès l'instant où la jolie rousse qu'il convoitait depuis qu'il l'interpella sur le perron du cinéma, franchissait le seuil du bar.

-« Oh mais volontiers Madame Fairmont. Vous permettez que j'appelle mon épouse, tout ceci est marqué sur un carnet et comme j'ignore si vous et moi seront de nouveau appelés à nous revoir »

-« Ghost Island est une toute petite ville, cette occasion se représentera surement bientôt. Je n'attends pas le nom de cet homme à la minute près »

-« Oh mais moi j'insiste ! »,
rétorqua Aaron en tirant son portable. Il jubilait, la comédie tirait à sa fin, il ne restait plus que la touche finale... Il porta le téléphone à son oreille ayant feinté de sélectionner un numéro dans son journal d'appels. « Oui chérie c'est moi... Oui très bien, l'affaire Ditta Stewart me pose toujours autant de soucis... non c'est à cause de Mayers... Oui, ce mec est le pire requin que j'ai jamais vu... Ah ça pour du dossier... Ouais... Et toi ?... » Tandis qu'il inventait sa communication de toutes pièces, Sullivan jetait parfois un œil à Julia. Punaise, la coupe de champagne était presque vide, elle possédait une drôle de descente !

De son côté, Mrs. Fairmont restait mitigée sur l'impression que lui donnait cet avocat un peu trop serviable. Enfin, grâce à lui elle s'était sentie moins seule dans ce bar. Elle ne devait pas être sur la défensive, après tout il était marié et comblé par ses deux adolescents. Roy lui avait bien dit de sortir de sa réserve, de se faire de nouveaux amis. La famille d'un avocat... de Kennewick... Oui, son époux serait surement ravi si elle les invitait à déjeuner un dimanche.

« Non t'es sure ?! Bien j'irai voir le proviseur demain ça m'étonne de Matthew c'est vraiment pas le genre de gars à... Ah tu l'as appelé ? Et alors ?... Oh parfait... Oui entendu... Dis moi, j'arrive dans une heure je suis encore à Ghost Island là... Oui... Je voulais te demander le nom et l'adresse mail du viticulteur de champagne, le français... Ok... Alors Eric Duchatel sur eric.duchatel@gmail.com ... Merci... Je t'aime ». Ce coup de fil fictif lui avait redonné une énergie folle. Il ferma le clapet du smartphone qu'il considéra en silence pendant quelques secondes avant de reporter son attention sur la rouquine. Cette idiote ne se méfiait pas, les yeux perdus sur sa coupe de champagne vide. Aaron songea qu'avec un ou deux verres de plus se serait encore plus simple mais il ne voulait plus perdre de temps. Ses jambes le chatouillaient tant il se retenait de ne pas bouger, rester ainsi impassible avant de devenir impavide... A demeurer ainsi, il attira le regard de Julia. Ce père de famille ne lui semblait pas toujours naturel, un peu comme si ses mots ne correspondaient pas avec l'expression de ses de ses prunelles, les tics nerveux qui agitaient ses doigts et son visage. Son mutisme soudain, après avoir terminé la conversation avec son épouse, la mit mal à l'aise. Elle se dit qu'elle devait rentrer après avoir pris note de l'adresse mail de ce Eric Duchatel et du numéro de téléphone de cet avocat pour l'inviter prochainement à un déjeuner dominical.

-« Bien... ». elle sorti l'agenda de son sac. « Rapellez moi l'adresse internet de Duchatel je vous prie... »

Sullivan glissa nerveusement une main dans ses cheveux avant de poser les coudes sur la table et rétorquer d'un trait:

eric.duchatel@gmail.com »

Le manque brutal de fioritures dans ses propos intrigua Mrs. Fairmont qui nota rapidement l'information, le remercia et rangea soigneusement son agenda. Aaron distingua l'emballage de lingettes désinfectantes et se retint de sourire, cette nana ne désinfectait quand même pas les sanitaires des lieux publics avant de s'en servir ? Sa vraie nature reprenait le dessus mais il devait la contenir, juste quelques minutes. Elle glissa la bandoulière de son sac sur l'épaule et il comprit qu'elle partait.
Faire le con … ou plutôt continuer de le faire...

« Oh vous rentrez déjà, le temps passe si vite c'est vrai qu'il est bientôt 22h30. Joey ! ». Il haussa les épaules en se levant à son tour, la mine quelque peu déconfite. Elle se méfiait, il devait se la remettre dans la poche... au moins jusqu'au parking non éclairé de l'autre côté de la rue.
Le patron vint à leur rencontre avec la note qu'Aaron régla cash sans rien demander à Julia qui sembla confuse.

-« Je vous remercie de votre agréable compagnie et... pour le champagne. Je souhaiterai vous inviter à déjeuner avec votre famille un dimanche. Qu'en pensez-vous ? »

Les yeux de l'ex-taulard s'allumèrent d'une joie malsaine. Il avisa Joey qui retournait au comptoir avant de répondre en la fixant avec intensité:

-« Oh ce sera avec joie, mon épouse adore Ghost Island mais n'y va que rarement. Ma mère ne fait plus de petits repas familiaux depuis longtemps. Je vais vous donner le numéro de notre téléphone fixe, vous tomberez sur Heather directement et se sera plus simple. Par contre je ne le connais pas cœur, je l'ai noté sur un calepin dans ma voiture. Je suis garé juste là, en face »

Elle opina avec une mine gracieuse par pure courtoisie. L'idée de suivre cet homme ne l'enchantait guère, les gens jaseraient mais avait-elle le choix. Refuser serait très impoli et lui fermerait la porte de nouvelles connaissances dans cette région austère.
Aaron la devança pour ouvrir la porte du bar et salua Joey d'un ample geste de la main.

Julia passa devant lui, il la rejoignit en deux enjambées particulièrement lestes, les mains dans les poches. Ils traversèrent la route déserte. Le parking ne comportait aucun éclairage. Juste la lueur lunaire rayonnait faiblement sur les carrosseries. Elle plissa les yeux étrangement intriguée sur cet éclairage naturel et considéra l'astre nacré, oubliant presque celui qui l'accompagnait. Dans les villes éloignées d'importantes métropoles, l'aspect abyssal de l'univers semble bien plus profond, la nuit plus enveloppante et les rayons de la lune intenses presque pénétrants.

« Je suis garé juste là », indiqua-t-il en désignant une berline Mercedes à côté d'un vieux 4*4 GMC. « Faites attention, il y a quelques ornières dans le bitume »

-« Je vous attends ici ».
Elle ne s'aventurerait pas plus loin. La noirceur du soir, sa chaleur, l'odeur des voitures chaudes l'inquiétaient, tout comme ce Dilingston qui lui indiquait une direction particulièrement floue. Les bras croisés sur la poitrine en coinçant son sac à main, elle l'observa s'avancer vers la Mercedes en silence, puis lorsqu'il se trouva entre les deux véhicules il se baissa en rouspétant. Elle pencha la tête pour le garder dans son champ visuel. « Tout va bien Monsieur Dilingston ? »

-« J'ai fait tombé ma clé, je n'y voit rien », fit-il en riant. Il rageait en silence, elle allait s'approcher maintenant. Autrement il devrait trouver un autre plan et user de la force plus tôt que prévu. « Ah zut ! Vous n'auriez pas une lampe de poche par hasard ? »

Elle resserra un peu ses bras croisés et resta immobile. Les mots de Roy et du chauffeur du taxi martelaient à ses oreilles et elle fit un effort pour conserver une respiration régulière.

« Non je n'en aie pas, désolée... Vous vous en sortez ? »

Il fulminait. « Fichue bourgeoise trouillarde de mes deux ». Il cogna exprès le bas de la portière du GMC avec le poing et poussa un cri de douleur. Peut être bien qu'elle ramènerait son cul avec ça...

-« Vous allez bien ? », interrogea-t-elle. « Vous voulez que j'aille chercher quelqu'un en face ? ». Le sang d'Aaron ne fit qu'un tour. Nan ! Il ne manquait plus que cette pimbêche ameute tout le quartier.

-« Je me suis fais mal à l'œil ! Excusez moi Madame Faimont mais vous pouvez m'aider, je... je crois que je ne me suis pas raté ! »

Julia ferma les yeux en soupirant. Elle ne pouvait pas le laisser blessé dans le noir et puis il ne la lâcherait pas tant qu'il ne lui aurait pas donné son numéro de téléphone. Mais l'idée de s'engager sur ce parking sordide l'angoissait, en écho aux avertissements reçus plus tôt dans la soirée.

-« Je vais chercher Joey, il saura quoi faire », fit-elle enfin après de longues secondes de réflexion. Mais Sullivan, se doutant de sa réserve, n'avait pas attendu sa réponse. Discrètement, il s'était faufilé derrière les véhicules et les arbustes pour remonter vers la rouquine qui, par une curiosité toute féminine, avait fait quelques pas, suffisamment pour l'occulter des réverbères de la route principale qui traversait Ghost Island. Dans un instant, elle se retournerait et se trouverait face à lui, lui qui n'avait rien en commun avec l'avocat de Kennewick, Mike Dilingston.

« Ne bougez pas, je reviens ». Elle pivota sur ses talons et sursauta. Il l'observait, la tête légèrement penchée en allumant une cigarette.

-« Inutile d'aller emmerder l'autre con pour une histoire de clé ma belle et puis finalement je ne me suis pas fais si mal que ça »

Julia resta de marbre, raide comme un piquet et se mit à le fixer au fond des yeux sans se démonter. Sous ses bras repliés elle sentait son cœur s'affoler et contrôla tant bien que mal sa respiration pour la maintenir régulière, presque calme. Il lui cracha sa fumée au visage, tranquille, en soutenant son regard qu'il trouvait vraiment magnifique. Ces deux saphirs recelaient quelque chose de sauvage et de terriblement sensuel.
Combien de secondes passèrent ainsi alors qu'ils se jaugeaient l'un l'autre ?
Finalement Julia prit une inspiration un peu plus profonde et leva légèrement le menton avant de parler:

-« Alors pourquoi crier à l'aide si vous ne vous êtes pas fait si mal que ça. A vous entendre il y a un instant j'ai presque craint que vous ne vous soyez fendu le crâne en deux »
L'once de perversion que l'ancien taulard senti dans sa voix lui déclencha presque un début d'érection. Sous ses airs timorés, cette femelle était une véritable tigresse. Il aspira longuement une bouffée de la Marlboro et la rejeta au nez de Julia qui ne cligna pas les paupières. Lentement, Sullivan étira un coin de sa lèvre en un rictus satisfait :

-« Oh pour une raison toute bête. Je voulais que tu me rejoignes ». Tout en parlant, il se mit à lui caresser les cheveux avec une main, glissant derrière son oreille, sous son menton et dans son cou. Immobile, Julia détourna violemment le visage pour faire cesser ce contact et le toisa à nouveau. Ses jambes lui disaient de fuir mais son esprit savait pertinemment que c'était tout à fait inutile. Il la rattraperait car il ne possédait pas d'escarpins et se montrerait encore plus violent. Terrifiée, elle ne lui montrait pourtant qu'une image pleine d'aplomb, presque défiante. « Tu sais très bien ce dont j'ai envie... enfin tu crois le savoir »Il aspira lentement une longue bouffée avant de poursuivre.
« Qu'est-ce-qui te dit que c'est vraiment de ça que j'ai envie ? Tu es bien gaulée, bien sapée, tu sens bon un parfum aux effluves de jasmin et tu fais semblant de me tenir tête alors que tu es morte de peur. Hein ? Qu'est-ce-qui te dit que je n'ai pas d'autres projets pour toi ? »

Silencieuse, elle continua de le dévisager. Elle imaginait le calme de la maison de Colonial Street, Andrew en train de tchatter sur internet et Danielle endormie avec l'ours en peluche qu'elle croyait bien cacher tout les matins pour faire croire qu'elle n'avait plus rien d'une enfant. Comme dans un film, Roy accueillait un nouveau patient aux urgences de Kennewick, un type salement amoché et sous oxygène. Elle entendait sa voix, il échangeait avec un autre médecin qui le dépassait d'une tête et qui semblait avoir juste terminé ses études. Tout deux s'affairaient et semblaient former une bonne équipe. Et devant elle, en ce soir si semblable à tout ceux qu'elle apprenait à cerner dans cette nouvelle ville, cet inconnu bâti comme une armoire se dressait et personne ne passait dans la rue, aucune voiture, aucun passant. La chaleur de la nuit, les battements effrénés de son cœur lui donnèrent le tournis mais elle ne cilla pas et rétorqua avec une ironie dédaigneuse:

-« Personne ne m'a parlé de vos projets alors je ne peux les deviner. Je constate seulement que vous n'êtes qu'un lâche. Vous vous en prenez à quelqu'un de beaucoup plus vulnérable que vous. Et pour quelle raison ? C'est peut être vous qui êtes mort de trouille non ? Je me trompe ? Peut être que Ghost Island vous fait peur, à vous aussi ? Peut être même qu'à un moment ou un autre elle vous a laissé entrevoir le secret qui la ronge de l'intérieur et que maintenant vous avez envie de sentir votre force, votre supériorité sur la vie et par extension vos semblables »

Aaron ne se déridait pas de son rictus mauvais. Cette fille le faisait vraiment bander, il ne sentait même plus le goût de la cigarette qu'il continuait cependant à fumer sous son nez. Soit elle possédait une audace folle soit elle était suicidaire. Elle ne fuyait pas et il du avouer être surpris par un tel aplomb mais il en avait assez entendu. Si elle continuait son manège il aurait tôt fait de lui tordre le cou sans aucune autre forme de procès et ce n'était pas là le but de la soirée. Les gars attendaient sans le savoir leur dessert du soir. Elle rabattrait bien vite son caquet devant cinq molosses et, à ce moment là, il la mettrait plus bas que terre.

« Merci pour le laïus Julia Fairmont. Si j'étais un tantinet plus inhibé je pourrai presque me sentir déstabilisé par votre franc-parler mais surtout par votre courtoisie extraordinaire ». Il boucla sa phrase en riant et jeta son mégot à terre. De son côté la rouquine sembla se tendre davantage en songeant par anticipation que maintenant qu'il ne fumait plus il passerait à autre chose. Elle ne se trompa pas. Sa main glissa de nouveau dans sa nuque avec plus de fermeté cette fois. Elle se referma brutalement sans pour autant lui faire baisser la tête. « Tu es magnifique... », grinça l'homme qui ne cessait de se délecter de la connexion de leurs regards. D'un geste brusque, il lui tira la tête en arrière par les cheveux et la força à se mettre à genoux. « Et là... Tu fais moins la maline », s'amusa-t-il en se mettant à son niveau. « Oui c'est ça, continue de me mater tu m'excite à mort...Saloperie... » En continuant de l'attirer au sol, il pencha légèrement la tête sur le côté en souriant.

-« Je vous prie de me lâcher », siffla la rouquine qui retardait le plus possible le moment où elle lui livrerait visuellement la peur qui la paralysait. A ses mots, Sullivan agrandit son rictus qui se teinta d'une perversion à l'état pur. Sa deuxième main se posa sur le cou de Julia pour finir de l'allonger sur le bitume du parking. Il se cala sur elle pour lui coincer les jambes et l'empêcher de le repousser. Galvanisé par son sentiment de toute puissance, il regretta d'avoir à la conduire à ses potes. Sa prise se resserra et, pour la première fois, elle baissa les yeux pour tenter de le faire lâcher. Il ricana joyeusement en augmentant le force qu'il mesurait tout de même autour de la gorge de sa délicieuse proie.

-« Je ne te lâcherai quand j'en aurai envie ma poupée »

Avant qu'elle ne se mette à le griffer et risquer ainsi de posséder son A.D.N. sous les ongles, il la redressa en la tirant par les cheveux et dégaina un neuf millimètres qu'il lui pointa dessus. « On va faire une petite balade. Avise toi de ne pas faire ce que je te dis et je t'explose le crâne »

Un cauchemar, ça ne pouvait être qu'un autre des cauchemars qui la hantait toutes les nuits qui lui étaient données de passer dans cette ville. Ce n'est que lorsqu'elle se retrouva sur le siège passager du vieux 4*4 GMC, des menottes ligotaient son poignet au levier de vitesse que Julia comprit qu'elle ne se réveillerait pas dans la plus grande des chambres de la demeure au 4354 Colonial Street. Son corps tout entier se voyait secoué de frissons tandis que ses mains serraient de toutes leurs forces la bandoulière de son sac. Intimement concentrée sur le cuir de l'objet, elle tâchait de reprendre un rythme respiratoire normal mais c'était sans compter sur Sullivan qui se posta au volant, lui saisit le menton avant de glisser la main dans son décolleté. Elle se recula vivement, elle voulait le mordre mais il avait le geste sur. Il lui empoigna de nouveau le cou et lui cogna la tête contre la vitre.

« T'as intérêt à te calmer ma bichette. Les gars ne seront pas aussi doux que moi, t'aura pas intérêt à leur résister comme ça sinon je crois que je ne pourrai pas les empêcher de faire de toi de la charpie »

Légèrement sonnée, elle se redressa et l'observa mettre le contact et démarrer sur les chapeaux de roues. De quoi parlait-il ? Les gars ? En état de choc, il lui sembla que sa pensée lui échappait quelque peu. Seule la terreur enveloppait son esprit, son corps ne cessait de frémir galvanisé par l'adrénaline propulsée à une vitesse folle dans ses artères. Aussi restait-elle silencieuse en attendant que tout cela s'apaise. Ce dingue allait surement la violer et l'assassiner comme ça, sans se préoccuper de rien. La police demeurait presque impuissante disait Tony, le chauffeur de taxi. La police... Si seulement ils pouvaient arrêter le véhicule, demander les papiers du conducteur. Ils la délivreraient peut être et elle rentrerait chez elle après une simple déposition avant même le retour de Roy. Mais non... ils n'étaient pas là... L'angoisse l'oppressait de plus en plus, son agresseur venait de fouiller son sac à main et d'exploser son téléphone portable sur le tableau de bord.

« Faudra que je passe un coup d'aspi... Je ne suis pas du genre à laisser une piste quelconque remonter à moi », grinça-t-il en allumant une cigarette. « Alors tu te remets de tes émotions ma cocotte ? »

Julia ne lui répondit pas, les yeux rivés sur les mains de l'homme, guettant le moindre de ses gestes.

« Ah tu fais plus la belle maintenant que je t'ai maté », rajouta-t-il. « Je dis toujours, les femmes c'est comme les chiens il faut les dresser ensuite ils deviennent doux comme des agneaux. Je pari que ton connard de mec ne t'as jamais balancé une droite... Pauv'con... Hein ? »

Brutalement, il lui redressa le menton mais d'un geste elle lui échappa.

« Raconte moi comment il te baise. Il te fourre les doigts dans la chatte, il te la bouffe aussi avant de passer aux choses sérieuses ? ». Ses prunelles chantaient un torrent de sadisme tandis qu'il parlait en rejetant la fumée au visage de la jolie rousse. « Je pari que tu le suce. Tu as des yeux extraordinaires, une invitation à la luxure. Putain... ils vont être contents... REPOND MOI POUFFIASSE AU LIEU DE SCRUTER MES MAINS COMME SI ELLES ALLAIENT T'EGORGER ! »

Elle se recula de terreur devant les cris de l'homme et crispa les paupières pour les fermer. La menotte lui blessait le poignet mais elle devait mettre le plus de distance entre elle et lui.

« PUTAIN TU VAS ME REPONDRE!!! », brailla Sulllivan qui n'était nullement en colère mais la jouait parfaitement pour finir de la terrifier. En disant cela, il arrêta le 4*4 sans couper le moteur.
« Quand je te pose une question tu vas me répondre okay... »

Il se détacha et se rapprocha d'elle.

-« NON LAISSEZ MOI !!! », hurla-t-elle en se reculant le plus possible, tirant de toutes ses forces sur le bracelet d'acier qui la soudait à la voiture.

-« Chuuuut ma belle », susurra-t-il en lui caressant les cheveux avant de les lui saisir avec fermeté. Elle se débattit férocement et lui mordit le bras jusqu'au sang. « SALE PUTE !!! », ragea Aaron en lui balançant une gifle monumentale. « Tu veux que je t'apprenne les bonnes manières espèce de conne ?! », dit-il entre ses dents d'un ton menaçant. Il lui assena une autre claque de l'autre côté d'une force qui laissa Julia légèrement abasourdie. « La prochaine fois que tu fais ça, à moi ou à un de mes potes c'est notre poing que tu auras dans ta jolie petite gueule de pétasse ». Brusquement, il se dégagea d'elle et relança le vieux 4*4. A peine une minute plus tard, il stoppa à nouveau.. « Voilà nous sommes arrivés à destination poupée, Roosvelt Asylum »

Lentement, Julia se déplia un peu et regarda par la vitre. Ils se trouvaient toujours en ville mais le coin semblait abandonné. Un grand bâtiment se dressait devant eux. Par le passé il devait s'agir d'une structure cossue avec son entrée travaillée, son portail presque gothique aujourd'hui rouillé et tombé à plusieurs endroits.

« Cet endroit est hanté parait-il », murmura Aaron. « Un truc de dingue, avant c'était un sanatorium. Il a été reconverti en asile psychiatrique en 99 mais un jour les patients se sont rebellés... une putain de mutinerie comme en taule des fois... Tu me croiras ou pas mais il paraitrait qu'une infirmière faisait de la magie noire dedans.... Ouais comme dans Harry Potter. Et bien maintenant on est jamais tout seul ici même quand il y a personne avec nous. Il y a des fantômes quoi... ». Lentement, son attention posée tranquillement sur le bâtiment glissa sur sa passagère. Elle tremblait moins, les yeux rivés sur l'ancien asile. « Plutôt cool comme coin hein ? HEIN ?!! » Il lui tira brutalement la tête en arrière en la tenant par les cheveux. La bouche au creux de son oreille, il poursuivit: « Ghost Island ne me fais pas peur... Disons que j'ai d'autres préoccupations que le passé de ce bled, c'est ceux qui n'ont rien à branler de leur vie qui se masturbent la tronche avec ça... Là tu vois c'est un pote qui m'a raconté le truc sur le Roosvelt Asylum. Ce soir t'es notre invitée dans notre baraque encore plus balèze que la tienne. Même si c'est un peu pourri, je suis sur que tu vas t'y sentir comme chez toi »

Elle entendit le cliquetis de la sécurité d'un révolver puis senti le canon se ficher à la base de sa nuque. Elle s'étonnait de sa capacité à résister à la panique, la terreur semblait contenue quand bien même son cœur vrillait ses côtes comme jamais auparavant.

« Je vais décrocher la menotte et t'as intérêt à rester tranquille et à fermer ta putain de gueule », tonna l'homme en libérant le poignet de sa captive avant de glisser un bras sous son cou et ainsi posséder une excellente prise pour la tirer du 4*4 en passant par le côté chauffeur. Une fois à l'extérieur, il l'attrapa par le col du chemisier, l'arme pointée dans son dos.
Cigarette au bec, Aaron se détendait. Plus personne ne viendrait jouer les trouble-fêtes et les heures qui l'attendaient seraient le meilleur divertissement qu'il lui fut donné de voir depuis un bon moment.

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Julia Fairmont

Julia Fairmont

Le collier aux larmes de lune -  One sHot -  Attention sujet très violent  o_O Empty
MessageSujet: Re: Le collier aux larmes de lune - One sHot - Attention sujet très violent o_O  Le collier aux larmes de lune -  One sHot -  Attention sujet très violent  o_O Icon_minitimeLun 9 Avr - 15:01



Spoiler:

Le hall d'entrée de l'asile sentait un mélange de plastique brûlé et de renfermé. Rien n'avait été déménagé. Face à eux le comptoir d'accueil était recouvert de poussière, de feuilles mortes, de mégots et de tessons de verre. Ouvert à plusieurs endroits, le carrelage, autrefois blanc, se recouvrait de mousse et les fauteuils d'attente, dont certains étaient arrachés jonchaient le sol avec des bouteilles d'alcool, des planches à moitié consumées comme si quelqu'un avait fait un feu. Julia avait d'abord cru que son agresseur la conduirait en rase campagne pour accomplir son méfait mais en découvrant les vestiges de l'asile, la crainte configurée par le cliché du crime au milieu des bois se transformait en quelque chose de plus inquiétant encore. Elle prit conscience que, depuis son arrivée dans cette ville, aucun adjectif ne lui avait permis de la désigner dans son essence. L'apparence oui, Ghost Island s'avérait être inesthétique tant l'entretien de ses bâtiments semblait négligé, sans parler du manque cruel de distractions. Mais à cet instant autre chose se distillait lentement.
Aaron la poussa sur un fauteuil qui avait échappé au massacre.

« Avise toi de faire un seul mouvement et je refais la déco avec ta cervelle », grogna-t-il en s'éloignant vers une pièce dont une faible lueur émanait. La porte, arrachée gisait sur le sol et Julia regarda autour d'elle. Un immense miroir faisait office de tapisserie au fond du hall, deux grands escaliers partaient de chaque extrémité pour desservir l'étage. Le plafond laissait tomber un gigantesque lustre étrangement en parfait état. Le contraste lui permis d'aboutir sa réflexion sur ce que lui inspirait intimement cette ville: Ghost Island possédait quelque chose de surnaturel. L'atmosphère piquante et chaude la saisissait tout en l'enveloppant d'un drôle de sentiment qui semblait vouloir lui faire lâcher prise sur ce qui lui arrivait. Les bras serrés sur sa poitrine, elle tenait toujours fermement son sac à main comme si cet objet pouvait d'une façon ou d'une autre apaiser son malaise. Elle reconstitua les éléments en sa possession, le type lui avait parlé d'autres personnes. Combien pouvaient-ils être, deux... peut être trois ? Des hommes ? Une petite bande de malfrats mixte ? Non, il avait parlé de « gars ». Elle remonta ses jambes sous son menton et se cala au fond du fauteuil, les yeux rivés sur la pièce où son agresseur avait disparu il y a un instant. La situation semblait claire, inutile de se voiler la face. Être consciente des intentions de quelqu'un ne suffit pas à empêcher la peur, peut être même qu'elle s'en voit accentuée.
Les agents de police faisaient des rondes, oui, une ville même toute petite doit être protégée, les criminels sont traqués et envoyés en prison et ce soir ne ferait pas exception à la règle. L'adresse de son agresseur dans la manipulation signifiait qu'il ne s'agissait pas là de son premier méfait, par conséquent des recherches s'effectuaient surement à son sujet en ce moment même. La piste apparaissait limpide. Et puis cet ange providentiel du nom de Sanderson remplirait sans mal ce défi s'il s'avérait aussi bon limier que le chauffeur de taxi l'estimait. Une lueur filtra les vitraux faisant office de fenêtre au rez-de-chaussée, Julia releva le menton pour la suivre des yeux mais le véhicule ne s'arrêta pas.
C'est alors que Sullivan sorti de la pièce. Il portait des gants en latex et tenait un sac en plastique. La rouquine ne bougea pas, calée au plus profond du fauteuil, les yeux fichés dans ceux de l'homme.

« On dirait que tu as retrouvé ta hargne sale chienne », se moqua-t-il avec un large sourire dévoilant des dents particulièrement blanches et alignées. « Vous êtes prêts les gars. Ne me dites pas qu'il vous faut trois plombes pour enfiler une cagoule et des putains de gants »

A ce signal, quatre silhouettes débouchèrent de la pièce désormais sombre et se rangèrent à côté d'Aaron. Julia resserra encore plus ses jambes contre son buste et les dévisagea les uns après les autres. Sa terreur venait de remonter en flèche, ses muscles littéralement tétanisés frémissaient sous sa peau et elle entreprit tout les efforts de monde pour inspirer le plus largement possible même si sa position rendait cette opération délicate.

« J'vous l'avait dit que sous ses airs de foutue bien-élevée de mes deux, cette pouffiasse était une sale effrontée! », ricanait Aaron en allumant une nouvelle cigarette. « Regardez moi ça... » Il s'approcha d'elle, lui saisit les cheveux pour lui tordre la tête en arrière sans ménagement. Il parlait toujours la clope au bec et donnait ainsi à son ton serré une force inquiétante, une violence inhibée jusqu'à présent et qui n'aspirait qu'à exploser. Tout en la maintenant ainsi, il se glissa derrière le fauteuil et posa un genou à terre: « Regarde Julia, ils sont tous là pour toi. C'est un immense honneur tu le sais ça ! Réunir les voyous du coin, ceux que personne n'a pu attraper »

Sans rien dire,sans bouger, les quatre types la toisaient. Combien de temps restèrent-ils tous ainsi figés dans un sinistre tableau au cœur de l'ancien asile, à côté de l'immense miroir parcouru d'yeux invisibles ? Pour la jolie rousse, il sembla une éternité. D'un geste leste, Sullivan se mit debout et la tira vers lui pour la tirer de son retranchement.

« Brent tout est okay là haut ? De mon côté j'ai ce qui faut là dedans, vous avez chacun un paquet. Faites en bon usage »

Il lança le sac en plastique à ses compères qui prirent chacun une boite de préservatifs.

-« Pourquoi tu veux qu'on mette ces merdes ? », gueula le plus petit d'entre eux d'une voix nasillarde.

-« Enculé ! », lança Aaron. « Tu veux peut être que les flics trouvent ton jus. T'es vraiment con quand tu t'y mets ! »

Non... Ils n'iraient nulle part avec elle. L'idée de se faire humilier de cette façon, elle ne la concevait pas. Son esprit entrait dans une impasse totale. Une seule échappatoire se présentait, la tentative de fuite qui pousserait le chef de la bande à l'abattre. Elle lui planta le talon de son escarpin dans le tibia de toutes ses forces et enchaîna immédiatement en se retournant face à lui et lui enfonça le genou dans l'entre-jambe.
Sullivan la lâcha, plié en deux, le visage tordu par la douleur. « Sale pute », souffla-t-il.
A peine libérée, le plus grand des types la saisi par le col pour la ramener brutalement contre son buste imposant. Il la jeta contre le mur et sa main enrobée de latex se referma sur son cou. Le plus terrifiant n'était pas vraiment la prise fatale qui lui écrasait le souffle mais le silence de cet homme. Ses yeux n'exprimaient rien hormis une concentration glacée. Les choses se passaient très vite au vue de la puissance de son geste. Les jambes de la rouquine, si agiles lorsqu'elle frappa Sullivan, se dérobèrent sous elle. Ses doigts se crispèrent sur ceux gantés du colosse pour le faire lâcher prise. Sans desserrer, il la cloua au sol et brusquement se retourna. Le canon du révolver se plantait dans sa nuque par la main de leur prétendu chef, visiblement contrarié:

« Tu peux me dire ce que tu fous ? », siffla Sullivan. « Je me fais chier à vous trouver la perle et toi tu me la fait trépasser avant même qu'on s'en soit servi. Lâche là tout de suite ». Impavide, le géant ne bronchait pas, se contentant de défier du regard celui qui le tenait en joug tout en continuant d'asphyxier leur captive qui se débattait. « Oh tu m'entends quand je te cause ». Aaron flippait, ce mec et son frère possédaient une sinistre réputation, s'imposer demanderait surement un long travail de fond. Il libéra la sécurité de l'arme. « Si à 3 tu n'arrêtes pas, je te descends »
Aussi étrange que cela que ça puisse paraître, son frangin ne bronchait pas et semblait résolu à le voir tomber sans intervenir.
« Un... Deux... »

Il s'exécuta enfin, se dressa de toute sa taille face à Sullivan, croisa les bras et se posta entre les deux autres compères. Nerveusement, Aaron glissa une main dans ses cheveux avant d'accorder un œil à Julia qui reprenait péniblement son souffle. Encore quelques secondes et son agresseur lui permettait de disparaître en conservant son honneur, encore quelques secondes et son suicide indirect aurait pu fonctionner. Des vertiges l'empêchaient de se remettre debout et elle s'agrippa à une rampe de métal dont les sièges avaient été arrachés. Terrassée de désespoir, ses yeux fixaient immobiles la bandoulière du sac à main et ce spectacle semblait plaire aux criminels qui ne bronchaient pas.

« Lève toi ! », ordonna le chef en lui balançant son pied dans les côtes. « Allez magne toi, ne me force pas à le faire moi même ! »

Rien à faire, elle restait cramponnée à cette barre de métal, les yeux dans le vide. Plus la soirée avançait, plus Sullivan sentait qu'il ne pourrait pas longtemps contenir ses nerfs. Entre l'autre balèze qui le défiait ouvertement et cette idiote qui demeurait prostrée, il fulminait.

« OH PUTAIN !!! »

Il lui saisit finalement le bras et la tira derrière lui pour grimper les escaliers. Les trois autres les suivirent. Ils longèrent un couloir uniquement éclairé par la lampe torche d'un des voyous. Brent les attendait :

-« Un problème ? », s'enquit-il.


-« Nan ! », ronfla l'ex taulard en poussant la porte d'une ancienne chambre de l'hôpital psychiatrique. Elle ne possédait plus vraiment grand chose en commun avec son utilisation initiale. Seule la présence sur un guéridon d'un appareil de lobotomie indiquait qu'avant la fameuse mutineries des patients, cette pièce servait à des examens soi-disant curatifs. Sur le sol, tout le long des parois s'étalaient des bougies allumées. La clarté distillée aurait pu créer une ambiance sensuelle si le squelette du lit, dont la tête était collée au mur, n'était recouvert d'un immense drap blanc.


L'atmosphère fit de l'effet aux jeunes bandits, ce Aaron ne se fichait pas d'eux.

« Beau travail Brent », fit-il avec un sourire mauvais avant de reporter son attention sur Julia. De nouveau droite comme un « i », la rouquine conservait les yeux rivés devant elle. La mise en scène de son calvaire possédait une saveur irréelle. L'air, vicié par les émanations de cire, coulait dans la chambre, semblant les envelopper tous d'un cocon acide. Son esprit paraissait vide comme si les connexions ne se faisait plus. Lentement, elle se créa une visualisation et le carnet de photos qui se trouvait dans son sac à main resté au pied de l'escalier s'imposa à elle. Le tout dernier cliché pris devant la maison du Northside et l'expression indéfinissable de son visage. « Contente ».... C'était ce qu'elle avait pensé il y a à peine deux heures en l'observant avant que le taxi n'arrive. Non il ne s'agissait pas de ce mot qui ne veut rien dire... Le jour de la fête nationale, en cet instant précis elle attendait quelque chose. Un avertissement.... non pas sur son existence qui lui échappait chaque jour un peu plus dans la douceur sucrée du Chardonnay non... « Fais attention à toi Julia Fairmont, je suis derrière toi pour te prévenir mais seuls tes actes et tes choix joueront au final »
Un avertissement de son propre esprit... Comment pouvait-elle imaginer cela et surtout pourquoi ? La sensation de ne plus rien maîtriser sur elle-même et encore moins sur ce qui l'attendait la plongeait dans un état proche de la catatonie.
« Bien... »

La voix d'Aaron brisa le silence. Les mains dans les poches et la cigarette à la bouche il avisa ses complices alignés le long de la paroi où se situait la porte.

« Vous disiez que nos soirées manquaient de piquant, j'ai eu une petite idée... ». Son ton jouait une fausse modestie qui ne choquait plus personne. « Retourne toi face à nous et plus vite que ça »

Contrairement à ce qu'il soupçonnait, Julia pivota sur ses talons et les dévisagea.

« Bieeen ma poupée ! Maintenant déshabille toi »

La sensation de néant qui consumait l'esprit de Julia se coupla à un autre bruit sourd et rapide. Les pulsations effrénés de son cœur trahissaient son apparente placidité. Elle ne broncha pas et fit un pas en arrière.

-« Non », souffla-t-elle d'un ton à peine audible.

-« Oh mais si ! », fit Sullivan en souriant de toutes ses dents. Derrière lui, les gars échangèrent quelques mots, visiblement ravis. La lenteur des évènements ne les dérangeaient pas pour le moment, intuitivement ils savaient que cette soirée demeurerait dans leurs bons souvenirs de délires. « Oh mais si, oh mais si », reprit-il en croisant les bras sur sa poitrine.

Le souffle de plus en plus court, la rouquine voyait ses mains, ses bras trembler de plus en plus violemment.

« Tu as peur ? Oh les mecs on lui fout les boules c'est con ! ». il s'approcha d'elle et passa le bras sur ses épaules. « On va juste te faire des petits câlins, pas de quoi flipper comme ça ma belle », expliqua-t-il d'un ton sirupeux. « Je serai toi je m'exécuterai. Tu as des enfants... Ce serait con si … Tu sais fille, garçon ça ne nous pose pas de problèmes on a une très bonne capacité d'adaptation si tu vois ce que je veux dire.... »

Le défi qu'il lisait depuis le début dans les prunelles azur de sa captive sembla s'effondrer à ces mots mais ne se mirent pas pour autant à scintiller d'émotion. Cette fille lui plaisait vraiment.

« Allez ma poule... ». il lui caressa la nuque et retourna de l'autre côté de la chambre avec les types cagoulés.

Très lentement, elle porta les mains au bouton le plus en haut de son chemisier et le défit, puis un autre, un autre encore jusqu'à l'ouvrir complètement et le faire glisser sur ses épaules.
Les mecs se mirent à rire en réajustant leurs pantalons dans lesquels ils se sentaient désormais un peu à l'étroit.

« Je savais que t'étais une belle salope », poursuivit-il. « Ton futal maintenant, dépêche on a pas toute la nuit »

La boucle de la ceinture se délia, le bouton et la fermeture éclair. Le tissus noir glissa le long de ses jambes. Elle se baissa pour ôter ses escarpins et se libérer du tissu.

- »Putain ! », gloussa un des mecs. « Cette meuf est trop bonne ! »

Ses sous-vêtements rejoignirent le sol à leur tour et Brent s'ébranla pour aller à sa rencontre. Mais Sullivan l'arrêta d'un geste.

« Halte là mon coco ! Tu sais ce qu'on a dit... »

Le dénommé Brent soupira et se posta avec les autres. L'ex-taulard jeta sa cigarette dans un cendrier rempli de sable et s'avança vers elle. Tremblante, elle demeurait pourtant droite, les bras le long du corps, les yeux fixant un point invisible devant elle. Il glissa dans son dos,ses mains s'enfouirent avec délice dans la chevelure flamboyante. « Quel pied de faire monter la pression », songea-t-il en se sentant très à l'étroit sous sa braguette. Sa caresse glissa dans son cou laiteux et s'attarda sur le collier de perles. Tiens... ce détail lui avait échappé... Il défit le fermoir, fit lentement glisser le bijou pour le laisser tomber sur les vêtements.

« Voilà... Comme ça t'es complètement à poil » Il la saisit brutalement par les épaules pour la retourner, la cloua sur les lattes de métal du lit médical recouvert d'un drap blanc.

« Tiens tu vas enfiler ça, c'est pour mon trip »

Il saisit au vol, une chemise d'hôpital qu'elle passa sans broncher en fermant les pressions. Pendant ce temps, le plus baraqué des bandits lui attacha les poignets et les chevilles aux quatre coins du lit. A califourchon sur ses hanches, Aaron la poussa violemment en arrière pour l'allonger. Elle voulu se redresser, il lui assena une gifle qui la recloua au drap. Elle se débattit de toutes ses forces, tirant de plus belle sur ses membres entravés dans les bracelets d'acier des menottes. Brusquement, il se pencha sur elle, lui remonta le menton pour l'empêcher de lui envoyer un coup de boule. La force dérisoire de cette créature amusait Aaron autant que cela l'excitait. D'un geste sur, il lui remonta le bassin d'une main et de l'autre lui coinça la nuque en la tenant par les cheveux, la contorsionnant sur la couche et arracha les pressions de la chemise qui glissa le long de ses flancs.

-« NON !!! NON !!! LAISSEZ … LAISSEZ MOI !!! »

Ses cris se perdirent dans un sanglot étranglé lorsque, d'un puissant coup de rein, Sullivan la prit. Elle ne cessait de se tortiller dans tout les sens, la douleur lui vrillait le sexe et chacun des assauts lui arrachait un hurlement de douleur, de terreur, de désespoir. Plus aucun cliché de carnet de photo ne fabriquait la visualisation de son esprit. Le sourire qu'il lui adressait en la baisant de plus en plus fort, ses yeux sombres, son odeur d'after-shave premier prix amenaient un flot d'informations à ses sens saturés, à son esprit aux prises des flammes de l'humiliation. Il ralenti le rythme, lui cambra un peu plus le dos et pilonna à nouveau à un rythme fou.
Les menottes entaillaient sa peau un peu plus à chaque fois mais rien ne le stoppait. Il ne cessa de malmener ses articulations durant encore des minutes interminables. Le sprint final galvanisa les forces d'Aaron, il lui libéra la nuque et ses deux mains se soudèrent aux hanches de sa proie pour les dévisser sous ses assauts.
Et, sans rien ajouter de plus il dégagea du lit, ôta le préservatif en un seul geste et le mit dans le sac en plastique prévu à cet effet. Il remonta sa braguette, tira une chaise, se laissa tomber dessus et prit son temps pour allumer une cigarette. Ses complices ne bougeaient pas, attendant son signal qui ne tarda pas à venir:

« J'ai toujours aimé mater », commença-t-il d'un ton suave. « C'est plus sympa qu'un film, c'est complètement différent. Je sais que pour beaucoup d'entre vous, cette expérience d'agression n'existe que dans vos fantasmes, peut être même que rien que l'observation vous a fait gicler dans vos futes... Astiquez vous bien avant de la prendre, nous ne devons courir aucun risque, ne laisser rien qui puisse permettre aux flics de remonter jusqu'à nous. De toute façon si ça arrivait, si Madame ne tenait pas sa langue, sa famille nous offrirait une belle opportunité de représailles »

Toujours immobiles, leur attention passait d'Aaron à leur prisonnière. Celle-ci ne les regardait pas, s'affairant à tirer sur les menottes et y concentrant toute sa pensée. Consumée par la terreur, par l'humiliation d'être ainsi soumise, offerte à leurs yeux et leurs mains sans aucun moyen de défense, elle s'acharnait sur les bracelets d'acier. La violence de l'homme laissait son corps douloureux et la perception de son existence brisée à jamais.

« Vous faites les timides mes loulous ? », ricana Sullivan en aspirant une profonde bouffée de tabac.

Les voyous échangèrent des œillades amusées avant de s'avancer vers le lit.
L'un d'eux, le plus petit à la voix nasillarde répondant au nom de Trevor caressa le visage de la rouquine qui rompit brutalement le contact et le détournant. Les trois autres posèrent leurs mains sur son corps pour le parcourir de caresses. Ils faisaient durer le plaisir pour offrir un spectacle sympa au patron mais surtout se jauger les uns et les autres pour savoir qui se déciderait à lui sauter dessus en premier. Le conflit ne tarda pas lorsqu'il fallu s'aventurer sur le sexe de leur jouet. Ils se disputèrent et commencèrent à s'empoigner. L'un des deux frangins, le plus costaud qui défia Aaron plus tôt dans la soirée, monta sur le lit et balança une droite à Brent. De l'autre côté, le petit, Trevor posa un genou sur la couche, se glissant sous le colosse pour enserrer le corps de Julia.
Blême de terreur, elle les observait se confronter avant de pâtir à son tour de leur violence. Leurs mains saisissaient sa peau, ses seins avec rage car le maigrichon venait de se faire éjecter par le baraqué, Dan. Son frère en profita pour prendre sa place sur la rouquine sans se préoccuper des protestations physiques de ses compères. Le préservatif enfilé vite fait bien fait il la saisit par le haut des épaules pour la baisser d'un large cran et l'empaler d'un seul coup sur sa verge gonflée de désir.
Elle poussa un cri,. Déjà blessée par la brutalité de Sullivan, ce nouvel assaut finit de vider ses dernières chapes de résistance. Le colosse, Dan, qui avait jeté les deux autres lui tirait les jambes pour pouvoir lui caresser les cuisses, les griffer jusqu'au sang. La pression des menottes à ses poignets les entamait de plus en plus les cernant d'hématomes.

« Magne toi Steevy, c'est moi après okay ! »

-« Ouais ! »,
haleta son jeune frère en engageant une cadence beaucoup plus rapide, les mains serrées sur les côtes de Julia.

Aaron prenait son pied à les regarder se chamailler comme des chiens affamés auquel on accorde un morceau de viande fraiche. La nature humaine ne différait en rien de celle des bêtes, il le savait depuis longtemps mais ce soir il devait bien avouer qu'il assistait au plus beau documentaire animalier jamais réalisé. Brent et Trevor, frustrés, reluquaient les deux frangins qui s'étaient sans grand mal appropriés la belle rousse. Consolés par le fait qu'après se serait leur tour, ils prenaient leur mal en patience partagés entre deux sentiments. Celui qui s'imposait comme leur chef fumait, l'air de rien devant une scène effroyable, soit ce type était fou à lier soit c'était la personne la plus perverse qu'ils n'aient jamais rencontré. Mais d'autre part, ils se prenaient au jeu en songeant qu'une telle opportunité, une telle mise en scène pour leur servir une femme magnifique sur un plateau d'argent, ne se reproduirait pas de si tôt.

Pour Dan, son cadet mettait trop de temps. Il le saisit par le col et le sorti du lit en un seul geste avant d'enfiler le bout de latex.

« Tu m'emmerdes ! », rétorqua Steevy en enlevant le préservatif et rajustant son baggy.

Le baraqué n'écouta pas ses ronchonnements. Ses genoux serrèrent la taille de Julia qu'il s'appliqua à dévisager. Sa grosse main lui saisit le menton en même temps que ses doigts lui caressèrent la joue puis sa chevelure flamboyante étalée sur le blanc du drap. Elle ne bronchait pas, elle ne pleurait même pas, quelle femelle étrange... Il pencha légèrement la tête sur le côté sans la quitter des yeux. Interpellé par son comportement, Sullivan se désintéressa de sa cigarette et l'observa avec une certaine inquiétude. Il sentait qu'il pouvait s'attendre à tout de sa part mais il ne devait pas montrer sa perplexité.
D'un seul coup, son énorme verge pointa son bout turgescent à l'entrée de la vulve de la prisonnière. Dan se douta qu'une fois de plus il devrait forcer cette porte, la taille imposante de son engin lui permettant rarement une pénétration facile. Il pencha la tête de l'autre côté cette fois puis lui saisit vivement la hanche d'une main et l'épaule opposée d'une autre avant d'exercer une pression radicale. Il insista et la souda complètement à lui. La vivacité de la douleur du déchirement glaça le sang de Julia dont les yeux se mirent à voir trente-six chandelles se révulsant sous ses paupières qui se fermèrent.
Une fois... deux fois... Dan ondula ses reins, satisfait de la teinte sanglante du préservatif. Ce n'était pas la première fois que ça lui arrivait mais le plaisir demeurait toujours aussi grand.

Aaron resta un tantinet hébété. C'était le plus beau porno trash qu'il lui avait été donné de voir. Ce type possédait quelque chose de très inquiétant. Plus la soirée avançait et plus cette prise de conscience le fascinait autant qu'elle suscitait sa méfiance. Il décida finalement de se lever et s'approcha de la couche malmenée:

« T'es vraiment con toi, tu la mets toujours dans les pommes », grogna-t-il pour donner une contenance à sa présence. Il balança une gifle à la rouquine sans succès. « Fait chier... »
Il alluma une cigarette et avisa son compère d'une œillade criminelle. « Je connais un truc radical pour tirer quelqu'un d'un léger malaise »
Lentement, il approcha le bout de la clope des côtes saillantes de leur captive qui, rouvrit les yeux en hurlant de douleur. « Et voilà ! », susurra-t-il satisfait. « Tu es balèze Dan, je ne crois pas que se soit la peine que ses jambes soient attachées avec toi dessus ». Accompagnant le geste à la parole, il ouvrit les menottes qui fixaient les chevilles de Julia aux barres métalliques du lit médical. »Tu peux continuer, ne te préoccupe pas de nous », conclu-t-il en se rasseyant et recrachant la fumée vers le plafond. A moitié libérée, elle remonta les jambes pour se créer une prise qui éloignerait son bourreau. Mais c'était sans compter la force colossale de Dan et son poids généreux. Il ne s'ébranla pas d'un pouce et repris ses mouvements, fasciné par la souffrance de cette petite créature qui se débattait de toutes ses forces en criant, s'essoufflant et lui offrant enfin des larmes qui se mirent à couler de ses yeux à ses tempes, scintillantes sous la lueur cuivrée des bougies. A plusieurs reprises, elle s'évanouit sous ses puissants coups de butoir mais d'une claque conséquente, il la réveillait. Bientôt sa résistance diminua, elle ne se débattait plus terrassée par la souffrance et l'épuisement.
Une fois son forfait terminé, il descendit du lit, arracha le bout de latex pour le jeter négligemment dans le sac et retourner se poster à côté de son frère les bras croisés.

Brent et Trevor respectivement âgés de 18 et 21 ans ne s'ébranlèrent pas visiblement choqués. Le plus jeune ne regardait même plus le lit étrangement fasciné par le sol crasseux de la chambre. Trevor quant à lui voulait se barrer loin d'ici, loin de ces désaxés. En suivant les deux frères et acceptant Aaron dans leur petit groupe, le jeune dealer de crack ne pouvait imaginer un pareil scénario. Quel idiot ! A quoi pouvait-il s'attendre en acceptant un trip de tournante dans un asile désaffecté ! Devant leur réserve, Sullivan s'avança vers eux. Lui même ne pourrait se résoudre à la prendre de nouveau après ce qu'il venait de voir mais il perdrait ainsi toute crédibilité devant les deux frères et surtout Dan l'aîné. Partant du principe que dans la vie il faut parfois se forcer, il le referait si besoin.

« Vous faites quoi les minets ? », lança-t-il aux deux gamins. « Elle est à vous, faites vous plaisir »

Brent pris la parole en premier. Il devait trouver une bonne excuse.

« Je... je suis désolé mais... j'ai.... j'ai déjà giclé dans mon froc à deux reprises et je... ». Confus, il réussit à lever les yeux sur la femme allongée totalement immobile hormis le soulèvement rapide de sa poitrine au rythme du souffle. « Je.... »

-« Oui ? »,
reprit Sullivan en lui crachant sa fumée au visage.

-« Je... J'arrive pas à rebander comme ça... Je sais c'est con mais... ». Il voulait pleurer, son nez le démangeait et ses yeux se remplirent de larmes.

Les lèvres de Sullivan s'étirèrent d'un rictus presque attendri. Il passa son bras autour du cou du gosse et le fit s'avancer vers le lit.

-« Je peux t'aider si tu veux... »

-« NON ! »,
brailla-t-il en se détournant. « C'est... c'est dégueulasse ce qu'on a fait merde ! ». Les mains autour de son crâne, Brent ne put retenir plus longtemps son émotion. A son tour, Trevor gardait les yeux baissés et attira ainsi l'attention du chef.

-« Toi aussi tu fais ta fillette ! Vous savez les mecs vous étiez ok pour ce trip. Vous vous dégonflez maintenant c'est trop con car Dan, Steevy et moi-même on va se dire que vous risquez de tout balancer aux flics... Et ça.... Vous savez ce que ça peut vous coûter... ».
Devant leur mutisme et l'impassibilité des deux frères, Aaron ne devait pas laisser la situation traîner. Tous avaient autre chose à faire, un paquet de préservatifs à utiliser et finir la nuit en discothèque en se rappelant cet instant incroyablement tripant. L'état d'épuisement de leur captive, provoqué notamment par l'intervention plus que musclée de Dan, risquait de raccourcir leur délire. Aaron aurait bien voulu qu'elle leur tienne tête encore un peu notamment à Brent et Trevor qui ne semblaient pas très dégourdis. Complètement dépités, ils gardaient la tête basse. L'idée de lever les yeux sur le corps de la rouquine apparaissant de toute évidence comme insurmontable. Sullivan sentait aussi un léger nœud à l'estomac depuis que la brutalité de Dan avait ravagé à grand coups de grincements la couche métallique mais la soirée ne s'arrêterait pas pour autant. Et ces deux puceaux tireraient leur coup !

« Oh ! Vous m'entendez quand je vous parle ? », tonna-t-il en leur relevant le menton l'un après l'autre. « Je vais finir par croire que vous ne savez pas vous y prendre ». En disant cela, il se mit à fixer Brent : « Ne t'amuse pas à me redire que ce qu'on a fait est dégueulasse mec... Tu étais d'accord, c'est même toi qui a installé toutes les bougies et le drap sur cette merde ! ». Il ne répondit pas et Sullivan lui envoya de toute sa hauteur la fumée de sa cigarette au nez. « Bien... Je comprends votre inexpérience quoique jamais je n'aurai soupçonné avoir dans ma bande de telles chocottes... Approchez... Plus près oui c'est ça... »

Les genoux collés à l'acier du lit médical, Brent et Trevor contenaient difficilement leurs émotions.

« Je vais vous montrer et si jamais vous ne matez pas, Dan se fera un plaisir de vous tordre le cou », susurra Aaron d'un ton froid en lançant sa cigarette dans le cendrier. Les deux gamins échangèrent un regard et prirent une profonde inspiration. Leur chef enfila un préservatif, agrippa la cambrure du dos de Julia et la pénétra d'un seul coup. Elle poussa un petit cri, tirant sur les menottes de ses poignets à les désarticuler alors qu'il entama une cadence particulièrement brutale. « Vous voyez les enfants », fit-il d'un ton moqueur dans lequel la perversion se distillait presque agréablement. « Ça n'a rien de compliqué. C'est vieux comme le monde ça. Je pensais que les gosses d'aujourd'hui avaient l'habitude de regarder des pornos pour ne pas se trouver con devant leur première petite copine qui mérite d'être tirée.... Elle ne risque pas de me faire mal, se sera juste plus drôle. Enlevez lui les menottes de ses poignets et foutez lui des gants de latex comme ça si elle nous griffe ça fera queue dale ». Ils s'exécutèrent machinalement et Sullivan lui captura les avants-bras, se pencha dans son cou pour le mordiller. Julia peinait à sentir son corps autrement que comme ravagé de douleur et d'épuisement, la terreur initiale avait laissé place à un état de choc qui la soumettait totalement aux frasques de ses bourreaux. Mais lorsqu'il approcha son visage du sien, elle lui décocha un violent coup de boule.

Merde, il se trouva con tandis qu'il jouait à leur faire la leçon.

« Putain ça me saoule ! Dan ! Viens prendre ma place, si c'est moi qui reste je l'explose ! »

Il jeta rageusement la capote dans la poche alors que le costaud reprenait sa place. Mais elle ne se laissa pas faire. Libérée des bracelets d'acier, elle se redressa et Dan eut juste le temps de la saisir par les bras avant qu'elle ne descende du lit. Il la propulsa dans sa direction comme si elle ne pesait que quelques grammes et la considéra, la tête penchée. Le plan de leur prétendu chef commençait à l'ennuyer. Le spectacle les avait tous comblés mais quelle idée de remettre ça. Les deux abrutis ne pourraient jamais faire ce que Sullivan attendait d'eux et son frère et lui, farouchement échaudés par ce début de soirée incroyable, voulaient filer à la boîte de nuit. Il la maintenait fermement, le dos contre son torse puissant, totalement immobilisée. Il était temps d'en finir et de sortir faire autre chose. Impuissante, Julia ne cherchait plus à fuir. Elle devinait que la partie de sexe se terminait maintenant et qu'ils allaient la tuer. Un sentiment paradoxal s'imposait à elle : la mort serait la plus radicale des libérations car désormais, vivre se résumerait à s'éteindre lentement chaque jour un peu plus. Mais revoir sa famille, juste une fois s'avèrerait impossible s'ils décidaient de la liquider à présent et cette idée la consumait de chagrin tant et si bien que ses larmes se mirent à couler alors qu'elle restait silencieuse.

« Tu fous quoi là ? », ronfla Aaron, de nouveau posé sur la chaise une clope au bec.

-« C'est terminé Sullivan, on passe à autre chose. Notre poupée est cassée, on ne peut plus jouer avec ». Son timbre glacial imbiba l'atmosphère de la petite pièce et l'ex-taulard ne répondit pas de suite. Ce type le mettait à nouveau au défi. Il lui demandait de baiser cette conne et il n'obéissait pas. Un tantinet déstabilisé, il conserva néanmoins toute sa contenance. Il se leva et vint les dévisager de face.

-« Rien n'est terminé, on était sensé faire une tournante et t'as deux enfoirés qui ne sont pas passés ! »

D'un geste sec, Dan resserra son avant-bras sur la gorge de la prisonnière qui ne broncha pas.

-« Tu nous as montré ta valeur. Aucun d'entre nous ne cherchera à remettre en cause ton autorité désormais. On va tranquillement se barrer en boîte et te payer un putain de coup à boire pour te remercier de ton cadeau »

Nerveusement, Sullivan glissa une main dans ses cheveux et se ralluma une autre cigarette. Ce molosse lui parlait-il franchement ou se payait-il sa tête ? Bon, il allait faire comme s'il le croyait et entrer dans son jeu.

-« Okay alors on arrête là. Laissez moi juste le temps de briefer la poupée et on se retrouve au Temple »

Lentement, Dan leva les yeux sur lui en saisissant à pleine mains les cheveux roux qui lui chatouillaient le cou et les tirer brutalement sur le côté.

-« De quel briefing tu parles ? Tu me l'as donné comme t'arrivais pas à la niquer j'en dispose comme je veux et ,comme j'ai déjà un hamster chez moi, je n'en ai nul besoin »

Aaron sentait à nouveau le vent tourner. Il se posa sur le lit et planta ses sombres prunelles dans celles de Dan :

-« Oh ! C'est pas ce qui était prévu. On ne tue personne cette fois là. Tu vas me faire le plaisir de la laisser et de bouger ton cul avec eux dans ta boîte à la con ! »

Un sourire pervers glissa sur les lèvres du colosse qui appuya un peu plus sa prise sur les cervicales de Julia.

-« On ne reprend pas un cadeau Sullivan. Nous sommes prêts à t'obéir, à faire les quatre-cents coups avec toi mais avise toi de récupérer ce que tu nous as offert. La vie est si... si fragile et j'aime expérimenter ses frontières sur de si jolis cobayes. Un dernier petit spectacle pour nous quatre... tout petit cette fois car ça va ...»

Aaron ne lui laissa pas le temps de finir et dégaina son arme qu'il pointa sur lui:

-« Personne ne va mourir ce soir. Alors, pour la deuxième fois, lâche là où je te troue la gueule »

Sans se dérider de son rictus, Dan balança la rouquine en avant et se leva.

-« Okay okay ! Personne ne va mourir... En attendant nous on se barre. Tu sais où nous trouver »

Son cadet, suivi de Trevor et Brent lui emboitèrent le pas. Les deux gamins respiraient d'aise, ils n'avaient pas eu à violer cette misérable créature vicieusement blessée et la soirée se terminerait bien. Bientôt ils oublieraient, enfin ils essaieraient...

La porte se referma. Lentement Julia agrippa le drap qu'elle rabattit sur elle en se redressant. Les mains crispées sur les barreaux de métal de la tête du lit d'hôpital elle tenta de s'asseoir. Chaque mouvement lui vrillait le cou, le dos, les reins, les bras, la moindre parcelle de son corps assené de tremblements proches de la convulsion. Elle sentait sur elle le regard du type mais se concentra à n'y accorder aucune attention, recroquevillée sur le haut de la couche et enleva les gants de latex. Il ne la tuerait pas. Loin de se sentir soulagée, son mental était pris au piège, incapable de se projeter dans les minutes, les heures, les jours qui suivraient.

Sullivan lança la Marlboro dans le cendrier, quitta violemment le lit pour saisir les vêtements abandonnés au sol et les jeter au visage de Julia.

« Rhabille toi salope », cracha-t-il en ramassant le collier de perles. « Putain c'est chic cette merde. Tu sais à quoi ça me fait penser ? …. REPONDS !!! »

Elle rapprocha ses vêtements de gestes craintifs et cacha la tête dans ses bras.

« Tu vas me répondre espèce de conne !!! », fit-il en se ruant sur elle, saisissant son menton pour le redresser et lui cognant un bon coup la tête sur le barreau du lit.

« Non... », souffla-t-elle en se protégeant le visage. « Non je l'ignore... Ce sont juste des perles... des vraies en nacre... Mais laissez moi ! Laissez moi je vous en prie ! ». Elle s'effondra sur les lattes de métal devant les genoux de l'ex-taulard, le corps secoué de puissants sanglots. « Je ne sais pas du tout ce à quoi cela peut vous faire penser... Je vous jure que je l'ignore mais... je vous en prie... par pitié … pitié ...pitié … laissez-moi... Laissez moi ou... alors tuez moi... oui... oui c'est ça.... »

Étouffée par les spasmes de ses pleurs, elle se tut. Aaron se leva brusquement de la couche, il se sentait stupide. Il y a un mois, lorsqu'il débarqua dans cette ville, il ne ressemblait pas à un ange au contraire ayant payé son forfait dans un sinistre pénitencier mais la détresse de cette femme lui fit prendre conscience de son changement. La dureté, la cruauté gagnaient un terrain considérable sur lui, sa pensée, son esprit. Il y a un mois, jamais il ne se serait décidé à livrer une innocente à une horde de voyous. Peut être bien qu'il l'aurait agressé sexuellement dans un coin du parking et expliqué gentiment de fermer sa jolie bouche pour éviter les représailles. Mais ce soir, la situation affichait clairement son horreur, une horreur qui venait de lui, une horreur qu'il venait d'assener de la pire des façons.
Devait-il abréger ses souffrances ? Il se gratta la nuque envahi par la perplexité et une once de culpabilité.
Il fit un pas vers le lit. Dans sa main, il sentait le froid du revolver. Allez un peu de cran et il irait faire la fête. Il oublierait tout ça et ne regarderait pas le journal télévisé local pendant quelques jours le temps que cette affaire soit oubliée. Enveloppée dans le drap, elle restait prosternée devant lui étouffée de faibles sanglots. Il avança sa main pour lui attraper les cheveux et mettre un terme à tout ça mais, à ce contact un frisson le parcouru. Étrange, depuis qu'il lui tapa la causette dans le bar et qu'il découvrit la douceur de sa crinière rousse, il n'y avait pas repensé, à aucun moment. Il y enfouit ses doigts lentement, presque avec douceur, glissa sur sa joue, descendit sur sa gorge pour lui faire redresser la tête. D'ordinaire le crime apparaissait presque aussi simple que tourner le contact du démarreur d'une voiture. Il enleva le cran de sécurité de l'arme qu'il pointa sur la tempe de sa captive et resta immobile, ne saisissant plus rien du tumulte de ses pulsions, de sa pensée anesthésiée de perversion.
Puis brusquement, il la lâcha et recula. Elle le saisit par le bas de sa chemise pour le rapprocher, s'y agrippant d'une force éperdue.

-« Putain ! », brailla-t-il en se détournant et se grattant la tête avec le canon du fling. Il se gifla mentalement et secoua la tête.

« Bon alors le briefing.... » Il ne trouvait pas ses mots. « Tu... Tu ne donnes aucun signalement aux poulets. Fais une déposition si ça te chante ça... Ça les occupera ces putains enfoirés mais on avait tous des cagoules okay ? Sinon … sinon je m'en prends à tes gosses, à ton mec et toi je te bute cette fois. J'hésiterai pas ! OKAY ? »

Il retourna sur elle, lui rattrapa les cheveux et lui releva violemment le visage : « Okay ma belle ? »
Elle opina légèrement et il la libéra.
« Tiens ton putain de collier et rend moi ça, on sait jamais il pourrait y avoir des traces de notre passage ». Il lui arracha le tissus blanc du corps, le roula en boule sous son épaule songeant qu'il irait le faire brûler de ce pas, avant même de rejoindre les gars et récupéra le cendrier.
Il laissa le bijou en tas sur le chemisier de soie noire et prit la porte sans rien ajouter.

******

Elle claqua, un dernier cri dans l'immensité solitaire, obscure et muette du Roosvelt Asylum. L'écho se propagea dans le couloir, descendit l'escalier pour gagner le hall et se heurter au gigantesque miroir. Le miroir et ses multiples paires d'yeux, le miroir reflétant le mystère, la malédiction et la rage de la mémoire de ce lieu qui fut marqué par la terreur et la souffrance dès l'instant où il ouvrit ses portes en 1921. Furent-ils tirés de leur apathie par le claquement du premier étage ? Les yeux de tout ceux qui expirèrent ici, sans aucune forme de procès, avec vacarme certes mais dans l'impunité. Non car leurs paupières ne se ferment jamais, elles observent, elles naviguent et, si elles le décident, elles laissent ouvert le passage de la hantise, de la malédiction qui s'insinuera à jamais dans le cœur et l'esprit des vivants. Ce soir, cette bande de voyous leur avaient offert un spectacle qui n'avait rien d'inconnu ici, ce sanatorium puis asile qui vit se succéder tant de patients dévorés par la tuberculose ou la folie, des patientes abusées par des médecins sans scrupules et possédés de la même perversion qu'Aaron Thomas Sullivan et ses hommes.
Que faire désormais ? A observer la créature blessée et aussi immobile que si la mort l'avait emportée, ils restaient perplexes. Un à un ils sortirent du miroir, des anciennes chambres, bureaux et cuisines pour réintégrer l'espace. La chaleur des murs appesantis par la canicule se mit à frémir, parcourue de courants d'air glacés, courants d'air qui éteignirent les bougies de la pièce les unes après les autres par un souffle presque vivant.
Non, cela ne suffisait pas troubler l'innocente humiliée. Ils se matérialisèrent par moments sur la chaise ou debout de leur consistance floue, la fixant de leurs prunelles d'un noir aussi profond qu'un abime, d'un noir tranchant sur le coté éthérique de leur structure.
Mais rien.

Julia ne bougeait pas. Adossée contre la tête de lit en métal, ses vêtements ramenés sur ses jambes repliées, elle fixait un point face à elle, quelque chose d'invisible et qui semblait pour autant capter toute son attention. Ce point sur le carrelage du mur de la chambre, elle ne le voyait pas, tout comme les esprits qui finirent par s'évaporer. Plus rien ne venait imager sa pensée, totalement déconnectée elle ne pouvait rien matérialiser de la blessure qui venait de la détruire à jamais. Est-ce cela le néant ? Lorsque l'esprit se détache de toute pensée, de toute forme de visualisation pour ne faire qu'un avec son essence intérieure qui n'est rien d'autre qu'un fragment d'énergie noyé dans l'immensité de l'infini ? Le sentiment de vacuité ne ressemblait en rien à ce qui animait, ou plutôt figeait la jolie rousse. Non, marquée au fer rouge dans sa conception d'elle même, de son rapport à l'existence et à tout les êtres qu'elle chérissait, le vide l'enveloppait. Peut-être s'agissait-il là d'une forme de protection inconsciente, une protection qui l'empêcherait de commettre l'irréparable ou bien au contraire le résultat concret de son anéantissement ?
Elle ne cherchait pas à comprendre, la froideur morbide de la pièce contrastait avec l'atmosphère brûlante des derniers instants et machinalement elle agrafa son soutien-gorge puis glissa sur elle le chemisier de soie noire. Un bouton... puis un autre... un autre encore... La fraicheur courait sur ses jambes et c'est mécaniquement qu'elle enfila son sous-vêtement et le pantalon noir, boucla la ceinture avant de se décider à se lever.

Un vertige la saisit brutalement. Portant une main à son front,elle tomba à genoux sur le carrelage crasseux. De là, elle remarqua le collier de perles qu'elle tira jusqu'à elle pour le passer autour de son cou et un peu plus loin ses escarpins. Elle s'apprêta à tendre le bras pour les saisir mais son geste s'arrêta. Allait-elle exploser en sanglots ? Non. Elle demeura figée, le visage dénué de toute expression tandis qu'elle l'inclina légèrement sur le côté les yeux vides. Son bras tendu se mit à trembler, de plus en plus fort et tout le reste de son corps. Un sourire glissa sur ses lèvres tandis que son expression gardait son aspect impeccablement ciré : « J'aime beaucoup cette paire d'escarpins Roy, je sais qu'elle est hors de prix mais je suis sure que dans la bourgade où tu nous emmène je n'en trouverait pas de cette qualité ». Le timbre clair de sa voix tinta dans le silence net, limpide presque joyeux. « Je te remercie Chéri ». Elle tendit un peu plus le bras, étira les doigts mais les chaussures noires restaient hors de sa portée. Les genoux toujours au sol, elle allongea le reste de son corps, encore, encore un peu et bascula en avant. Comme si de rien n'était, elle se redressa péniblement et enfin referma sa prise sur les escarpins, les tira vers elle pour les enfiler.

Agrippée à la structure de métal du lit médical, elle parvint à se mettre debout, tituba jusqu'à un lavabo et fit tourner les robinets. Rien ne coula. Bien sur, l'eau devait être coupée depuis très longtemps. 1999... Oui il s'agissait bien de cette date... Les mains crispées sur l'évier comme si son but ultime avant de s'effondrer à nouveau résidait dans le fait de rompre la vieille faïence, morceau par morceau la briser, la briser à se rompre les phalanges.
Lentement, elle leva la tête pour rencontrer le miroir brisé, recouvert d'une poussière épaisse. Elle ne distinguait pas grand chose hormis la couleur chaude de ses cheveux et son teint blafard tranchant sur le chemisier noir. Un sourire se dessina à nouveau sur ses lèvres et elle se mit à ôter la saleté sur le miroir de façon sommaire d'abord puis de plus en plus précisément. Elle se coupa à plusieurs reprises l'intérieur de la main mais Julia semblait totalement insensible à la douleur, apparaissant presque ravie de nettoyer ce vieil objet. Les prunelles vides de toute émotion, son visage figé de poupée de cire tranchait sur sur le ravissement de ses lèvres aussi blanches que son teint.
Le verre se colora d'une large traînée rouge en spirale. « Oh mais quelle idée Andrew ! Des caméras dans les miroirs de la salle de bain ! J'aurai tout entendu. Je ne vois pas en quoi la section d'espionnage de la N.S.A s'intéresserait à nous, tu regardes trop la télévision »
Elle ferma les yeux et inclina la joue comme pour y recevoir un baiser. « Merci trésor, bonne nuit à toi aussi et ne reste pas trop sur internet ». Ses paupières se rouvrirent brutalement et ses lèvres se contractèrent. « On y fait de mauvaises rencontres, on y apprend que des sornettes. C'est un outil dangereux... dangereux pour les enfants... les tout petits enfants... Tout seuls devant leur écran... N'importe quel prédateur peut les séduire... ils sont si bêtes... stupides de se laisser ainsi avoir par un joli sourire, un beau costume, un numéro de téléphone sur un carnet dans une voiture sur un parking tout noir ». Son geste s'arrêta, elle recula de plusieurs pas jusqu'à rencontrer le lit.

Combien de temps resta-t-elle immobile à regarder son reflet dans la glace couverte de sang ? Les bougies éteintes, la lueur blafarde de la lune baignait la pièce, toutes les pièces du Roosvelt Asylum. Combien y-avait-il de chambres comme celle-ci, de chambres illuminées de cette étrange blancheur nacrée qui transformait le teint le plus radiant en une couleur opaline à moins qu'elle ne soit grisâtre. Elle se décida enfin, se redressa de toute sa taille pour sortir. Désorientée par de nombreux vertiges, elle refit néanmoins sans se tromper le chemin inverse: le couloir et après le couloir l'escalier. Elle ne se souvenait plus qu'il soit aussi gigantesque. Combien de mètres ? Huit … non plutôt dix. Soudée à l'imposante rampe, elle contempla le vide de longues minutes. Trop bas pour sauter en étant sure de mourir...
Une à une, elle descendit les marches. La grandeur de l'espace l'étourdissait sans parler du reflet du miroir du fond. Plusieurs fois, elle manqua de basculer avant d'arriver en bas. Son sac à main était toujours au sol, exactement là ou elle le laissa il y une heure, peut être une heure trente... Elle se baissa pour le ramasser, tendit son dos douloureux pour se tenir droite et glissa la bandoulière sur son épaule.
L'imposante porte d'entrée lui faisait face, un pas, un effort et elle serait dehors. Un pas, un effort et la réalité lui sauterait au visage : la nuit, le chauffeur de taxi qu'elle appellerait d'une cabine téléphonique et la maison au salon encore éclairé, les enfants endormis, Roy qui rentrerait du travail. Elle observa sa main rougie se poser sur la poignée comme s'il s'agissait de quelqu'un d'autre et la lourde structure de bois tourna sur ses gonds comme si elle fut encore entretenue régulièrement. Elle la ferma ensuite dans son dos, presque avec application et descendit les marches du perron.

La permanence de la station de taxi lui avait répondu avant même que le combiné ne sonne trois fois.

Personne ne prenait un taxi à Ghost Island à une heure pareille et le vieux Tony, bientôt à la retraite, appréciait travailler la nuit. Il lisait de bons polars plus ou moins noirs et la vie passait comme ça. Sa voix, il la reconnu immédiatement. Il s'agissait de l'élégante femme qu'il déposa « Chez Joey » il y a à peine deux heures et demi. Que fichait-elle devant l'ancien asile ? Drôle d'endroit pour continuer une soirée tranquille... Depuis bien longtemps il ne cherchait plus à comprendre les habitudes de ses clients, se contentant de les conduire où ils le désiraient. Mais il devait avouer se laisser tenter à noter ses commentaires au sujet de certains d'entre eux sur un petit calepin dissimulé dans la boîte à gants. Peut être bien qu'un jour il écrirait un livre sur tout ça, une intrigue policière comme celle qu'il lisait sauf que ça se déroulerait à Ghost Island.

Il arrêta la Taurus devant elle et elle s'engouffra dans l'habitacle. Machinalement il baissa la radio et l'observa par le rétroviseur. Mama mia ! Mais que lui était-il arrivé ?
Pour ne pas éveiller l'inquiétude du vieil homme, Julia avait pris soin de remonter le col du chemisier pour dissimuler les marques violacées de strangulation mais les hématomes de son visage ne mentaient pas. Elle aurait pu penser à emporter du fond de teint et tout aurait été parfait. Parfait, car il ne verrait rien ou pas grand chose. Parfait, car personne ne saurait jamais quoi que se soit. Parfait, car ressentir ainsi le temps comme une pulsation cardiaque, un compte à rebours, lui permettrait de régler tout les détails qui concluraient tranquillement sa petite vie tranquille sans laisser sa famille dans l'embarras et de le déshonneur. Elle ramena son sac sur la poitrine et le serra avec fébrilité. L'attention fixée obstinément sur l'appui-tête, elle n'accorda pas un seul regard à Tony qui, sous l'effet de la surprise, tarda à parler.

Il ne pouvait pas lui demander si la soirée était bonne, cette femme était complètement choquée par quelque chose qui venait de se produire. Peut être même qu'elle était blessée mais ne le montrait pas malgré sa mine grisâtre et les coups qui marquaient ses pommettes et ses tempes. Il regretta ne pas avoir crevé un pneu sur la route en la conduisant au bar, regretta de ne pas avoir été catégorique sur les dangers de cette ville et de se trouver ce soir impuissant face à son malheur. Il enclencha la première, hésitant à consulter le rétroviseur. Depuis son entrée dans la voiture, pas un seul mouvement ne l'animait, rien du tout.

« Carissima Julia, pouvez-vous me rappeler votre adresse ? Je... Je ne m'en souviens pas »

En réalité il la connaissait mais il devait la faire parler. Rien de pire pour les victimes de violences, quelles qu'elles soient, de rester prostrées dans un silence mortel. Elle ne répondit pas tout de suite. Il décida de rallonger le trajet pour tenter de l'aider par quelques mots, quelques mots qui ne changeraient rien mais qui caresseraient ses oreilles, juste un peu, juste quelques instants avant qu'elle ne retourne dans la solitude de sa souffrance.

-« Colonial Street... 4534 Colonial Street », fit-elle en s'efforçant d'adopter un ton neutre.

Tony acquiesça. Son esprit bouillonnait, il ne pouvait rester indifférent, c'eut été presque aussi criminel que de l'agresser à nouveau.

-« Scusate ma... Je suis désolé de vous embêter mais je... Vous semblez souffrante... Vous ne voudriez pas que je... enfin que je vous conduise voir un médecin »

Rien... Elle ne disait rien jusqu'à dérider son visage d'un drôle de sourire sans toutefois quitter le point invisible quelque part sur l'appui-tête passager.

-« Oh je crains que se ne soit compliqué. Mon époux est le nouveau médecin de la ville et ses gardes il les fait au service des urgences de l'hôpital de Kennewick »

Tony se frotta le visage. L'aplomb apparent de la rouquine le mettait mal à l'aise, tout comme ses yeux de la couleur des saphirs figés sans aucune espèce d'émotion. Il se persuada que, s'il la laissait, que se soit à Colonial Street ou ailleurs, elle irait se jeter sous les roues d'un semi-remorque.

-« Mais Kennewick n'est qu'à une heure d'ici, chère Madame. Je peux vous y conduire, je... ça ne me dérange pas et votre mari sera surement heureux de... enfin de... ». il toussa pour se donner une contenance. Ils étaient déjà passés deux fois devant la demeure du 4534 mais elle ne s'en était même pas aperçue, plongée dans il ignorait quelles abimes. « Vous avez besoin qu'un docteur vous aide. Vous n'avez pas l'air bien ». Peut être qu'elle le trouverait trop direct mais qu'importe, il devait l'aider d'une manière ou d'une autre. Rien ne se passa, à part qu'elle sembla encore plus pale. « Madame Julia...Madame Julia il y a un souci là... »

-« Vraiment ? C'est très ennuyeux si votre véhicule présente un ennui quelconque, j'aimerai vraiment rentrer chez moi ».
Son ton apparaissait vraiment trop courtois au vu des circonstances pour être crédible.

« Uffa ! », pesta-t-il en arrêtant la Taurus à la sortie d'un carrefour, se détacha et se tourna vers elle.

« NON LAISSEZ MOI !!! », hurla-t-elle en se calant contre la portière et protégeant son visage de ses bras. Le vieil homme resta sans voix, comprenant sans mal d'où venait le malaise, la prostration et le désespoir de la jolie femme. Il ne voulait pas l'effrayer mais elle ne cherchait même pas à s'échapper. Il ne comprenait pas. En même temps il ne se voyait pas la poursuivre pour lui crier ses excuses et que marcher dans la rue aux environs de minuit à Ghost Island relevait du suicide. Le suicide, c'était peut être ce qu'elle cherchait finalement...

« Scusa...scusa mi », fit-il en baissant la tête. « Je ne voulais pas vous faire peur... Vous pouvez avoir confiance en moi... Je... ». Elle demeurait la tête cachée, le corps parcouru d'impressionnants tremblements. « Vous... vous avez besoin d'aide, je peux vous conduire à l'hôpital. Je n'ose pas deviner ce qu'on vous a fait ce soir mais... Mais vous ne pouvez garder ça pour vous...Parlez -en, pas forcément à moi mais je ne sais pas... à votre mari ou à la police »

Elle se recroquevilla un peu plus, les genoux remontés sous son menton. Julia ne contrôlait plus son corps convulsionné de terreur, elle ne pouvait retirer ses bras et l'impression de ne plus savoir la raison de chacun de ses gestes consumait sa raison. Elle devait retrouver son calme, cet état où elle ne pense plus à rien, où elle joue chaque parole, chaque souffle, chaque instant de sa vie comme si elle ne s'habitait plus.

« Je vous conduit à Kennewick ma petite, vous ne pouvez pas rester comme ça »

Il se rattacha et enclencha la première sans rien ajouter.

« Non... », murmura Julia d'un ton inaudible. « Non... », souffla-t-elle plus fort. Elle se déplia pour se caler au fond du siège et poussa le jeu en maintenant sa tête d'un port altier qui en faisait depuis toujours la reine de l'élégance des soirées de bienfaisance en tout genre. « Ramenez moi chez moi, je vous le demande expressément ». Ses yeux fixaient à nouveau l'appui-tête, seules ses mains tremblaient tandis que les traits de son visage semblaient encore plus décomposés.

Nerveusement, Tony frotta le haut de son crâne dégarni. Il ne pouvait la forcer à rien, il ne pouvait pas l'aider, plus maintenant. Il la laisserait devant sa demeure imposante qui toisait d'un œil farouche les autres maisons du quartier, cette étrange baraque qui, décidément, portait malheur à tout ses occupants.

Il s'arrêta devant l'allée pavée qui conduisait au perron du 4534 Colonial Street mais elle ne réagit pas. Tony toussota sans succès:

« Madame Julia, vous êtes arrivée. Ne vous en faites pas pour la course, c'est pour moi ». A nouveau, sa paume calleuse glissa sur sa tête chauve, la rouquine ne faisait pas un mouvement, ne clignait même pas les paupières. Porca miseria! Que pouvait-il faire ?! Tandis qu'il se questionnait, elle fouilla dans son sac et lui tendit trente dollars. « Mais vous ne me devez rien, rien du tout cara mia ! »

De toute évidence elle ne l'entendait pas. Lui accordant un sourire qui aurait pu être magnifique si ses yeux dégageaient une expression quelconque, elle répondit:

« Excellente fin de soirée Tony. Ce fut un plaisir. Nous ne connaissons pas grand monde ici pour le moment, n'hésitez pas à vous arrêter à l'heure du thé. Je fais des muffins excellents ». Avant qu'il ne put rétorquer quoi que se soit, elle claquait la portière derrière elle et marchait d'un pas rapide, élégant vers le perron de sa demeure.
Tony resta interdit. La situation le retournait complètement et sa sensibilité de rital lui jouait des tours.

-« Bonne fin de soirée signora... Se sera un immense honneur de vous rendre visite... »

Ses doigts grattèrent sa nuque nerveusement, il se pencha pour saisir son carnet:

Cher journal,
Ce soir je n'ai pas aimé faire le travail que je fais depuis 40 ans. J'aurai voulu être docteur, avocat ou psychologue... J'ai toujours aimé ma ville, elle est inquiétante pour beaucoup je le sais bien, mais moi je l'aime. Je sais que des choses rodent, que nos cauchemars ne sont pas toujours de simples schémas de construction de la pensée qui s'endort pendant notre sommeil.
Ce soir j'ai rencontré Julia, sur la boîte aux lettres je lis le nom de Faimont. Je me sens inutile et je suis en colère contre moi, contre les forces qui se dissimulent dans le noir. Je n'ai rien d'un justicier, je suis juste un vieil homme qui aspire à une retraite tranquille mais je ne peux me taire. Mais je n'ai personne à qui raconter un truc pareil, Martha irait tout dire à tout le monde sans oublier de me dire de me mêler de ce qui me regarde... Les enfants sont partis et n'ont que faire des ragots de Ghost Island. Mais ce n'est pas un ragot non ! Ce que j'ai vu ce soir c'est la terreur, la souffrance à l'état pur. Un état qui ressemble à une barrière immense, infranchissable pour tout ceux qui voudront essayer de comprendre. Ce que j'ai vu ce soir c'est l'humiliation la plus cruelle et la destruction.
Je ne peux le dire à personne alors je te le livre à toi. Peut-être qu'un jour la vérité sera réhabilitée ? Peut-être que ça ne servira à rien ? Qu'est-ce qu'une bouteille à la mer sinon une main tendue vers l'infini ?
Cher journal, je vais te laisser pour ce soir.
Buona notte...

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Julia Fairmont

Julia Fairmont

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MessageSujet: Re: Le collier aux larmes de lune - One sHot - Attention sujet très violent o_O  Le collier aux larmes de lune -  One sHot -  Attention sujet très violent  o_O Icon_minitimeLun 9 Avr - 15:04



Elle marcha jusqu'à la porte et leva les yeux sur la maison. Jamais elle ne lui sembla si grande, si lourde posée sur la pelouse, chacune des fenêtres la dévisageaient comme si elle n'était pas la bienvenue et Julia s'arrêta en les observant les unes après les autres. Comme dirigée par une télécommande, elle recadra son attention devant elle, se remit en marche, tourna la clef dans les serrures et poussa la porte pour l'ouvrir.

Le vaste rez-de-chaussée glacé de l'air climatisé branché trop fort l'aspira lentement. Elle laissa tomber son sac sur un fauteuil, brutalement désorientée par l'espace. Pivotant sur 360 degrés pour le sonder dans ses moindres recoins, sa tête tourna et elle tomba à genoux. Le parquet ne la heurta pas aussi violemment que le carrelage du vieil asile mais sous ses yeux c'était ses carreaux crasseux qui la toisaient. Sa main glissa lentement dessus d'une caresse presque sensuelle si elle ne tremblait pas fébrilement et elle leva les yeux. Pas un bruit, hormis le cliquetis de l'horloge posée sur la cheminée du salon encadrée de grands chandeliers. La réalité de sa déchirure et de sa solitude la laisserait prostrée à jamais. Rien ni personne ne pourrait la guérir et elle ne souhaitait pas vivre de cette façon. Lentement sa tête se pencha sur le côté alors que, pour la première fois depuis la fin de son calvaire, ses prunelles se teintèrent d'une étrange émotion. Certains y verraient une forme de douce joie, d'autres une compassion sereine et désintéressée.
Les enfants seraient très vite autonomes, ils savaient de la vie le nécessaire pour débuter sans s'égarer. Quant à Roy... Elle lui ferait comprendre que sa liberté lui appartenait, à jamais, que rien ne personne ne devait le faire douter de cette certitude. « Crois-tu que nos meubles rentreront ici ? La superficie de cet endroit est la même qu'à Northside mais... on ne respire pas de la même façon » Parler au parquet, au canapé, à la maison silencieuse, aux enfants endormis, à Roy absent et à elle même... « Tiffany ! »

Elle se leva et arrangea des tasses fantômes sur la table du salon. « Tiffany je suis heureuse que tu sois là, Lauryn et Gloria ne vont plus tarder. Merci pour ta tarte aux pommes tu les réussis comme personne ! » Elle se déplaça derrière le plan central qui faisait office de séparation avec la salle à manger, ouvrit le frigo mais n'en sorti rien pour retourner à la table.
« Je suis hors de moi. Il nous force à déménager, oui ! Imagines-tu une chose pareille ! Je... je ne vous verrait plus et les enfants, tout leurs camarades de classe. Oh Tiffany je ne sais pas ce qui lui arrive mais... »

-« Mais qu'est-ce-que tu fous ? »


Andrew descendit l'escalier et considéra sa mère de loin.

-« Ça ne va pas de parler toute seule. Tes pompes font un tel bazar sur le parquet. Tu m'as réveillé. T'as picolé c'est ça ! »

Julia se redressa de toute sa hauteur, le considéra pendant de longues secondes avant de baisser la tête et lui tourner le dos. Le gamin observa le sac posé sur le fauteuil et la porte d'entrée ouverte en se grattant la tête. Il se décida à aller la fermer.

-« Pardonne moi de t'avoir réveillé Andrew, je... je vais poser mes chaussures et... »

-« Mais à qui tu causais, il faut vraiment arrêter le vin blanc ou tu finiras complètement marteau ? »

-« Et bien je... Je me souvenais d'une scène des Experts et pour travailler ma mémoire je me la récitais »
, rétorqua-t-elle avec une voix pointue.

-« Tu te récites des scènes des Experts ! Non mais tu me prends pour un imbécile. Tu parlais de Tiffany, Lauryn et Gloria ! On a déménagé Maman je ne sais pas si t'es au courant. Passe leur un coup de fil au lieu de gatouiller à minuit passée ». Il secoua la tête et remonta les escaliers en baillant.

-« Leur passer un coup de fil », reprit-elle d'une voix blanche trop basse pour que le garçon ne l'entende. « J'aimerai bien... Mais elles sont surement très occupées et je crois que je n'aurai plus rien à leur dire... » Ses lèvres se mirent à trembler, ses mains se crispèrent de toutes leurs forces sur le rebord de l'évier. « Plus rien du tout tu comprends ? »
Elle se retourna et observa le salon désert.

Elle éteignit les différents spots en baissant le variateur électrique et prit à son tour les escaliers.
Ses vêtements tombèrent, les uns après les autres sur le carrelage de la salle de bain.
L'eau brûlante se mit à couler sur sa peau en multiples rivières inondant ses cheveux, caressant la moindre parcelle de son corps. Elle se frotta avec le gel de douche avec force une première fois, puis une deuxième, une troisième et combien encore ? Combien de temps resta-t-elle dans la pièce enfumée d'une vapeur opaque ? Les lèvres serrées à se les mordre, les mouvements empreints d'une violence qui meurtrissait ses hématomes, elle se frotta et ajouta à la toilette avec sa paume ses ongles. Elle griffa ses bras, le haut de sa poitrine, son ventre, son sexe et ses jambes d'une rage meurtrière. La vue des marques rouges, des égratignures sanglantes apaisait quelque chose en elle sans pouvoir l'arrêter. « Non », se répétait-elle. « Il ne s'est rien passé, rien du tout. Tu inventes toujours des choses. Tu es folle. Tu es alcoolique. Tu n'es qu'un objet de décoration. Tu n'es qu'une... merde.... »
Sa poitrine se souleva d'une violente angoisse, elle chancela et se raccrocha à la rampe de la douche. « Tu n'est qu'une merde ! Tu n'es qu'une merde ! Tu n'es qu'une merde ! », répétait-elle en chuchotant les dents serrées. « Baisée comme une pouffiasse, je te ferais crever comme une moins que rien ». L'étuve de la pièce combinée à sa terrible anxiété gênait sa respiration. Le manque d'oxygène conduisait son esprit dans des recoins délirants presque pervers. Elle rejeta la tête en arrière, accrochée à la rampe, cambra le dos et éclata de rire : « Oui ! Oui c'est ça ! Oui prend moi ! Défonce moi ! ». Sa bouche riait avec lascivité mais le reste de son visage, ses yeux semblaient éteints presque vitreux d'hystérie, de douleur. Soudain son gloussement s'étouffa, elle hoqueta et se mit à sangloter de plus en plus fort, se mordant les lèvres pour ne pas hurler et attirer l'attention. Ses mains lâchèrent la rampe, se soudèrent à sa tête et elle tomba à genoux d'une violence inouïe.
La vivacité du choc la tira brusquement de sa crise de démence. Elle coupa l'eau, se sécha de gestes mécaniques et enfila un déshabillé de satin. Se saisissant des vêtements au sol, elle les jeta dans la machine à laver, rempli démesurément le réservoir de poudre et lança le programme de lavage le plus puissant.

Combien de temps observa-t-elle le tambour tourner ? La buée se dissipa, elle éteignit et quitta la pièce qui correspondait directement à la chambre. Considérant le gobelet de sédatifs sur la table de chevet, elle tira du placard de dressing une bouteille de blanc et un verre de cristal. Elle le remplit, versa une quantité plus que raisonnable de cachets dans sa main, les goba et enfila le chardonnay d'un trait. Elle la rangea à sa place, rinça le verre dans la salle de bains pour le glisser à son tour dans un coin du dressing.
Avant même qu'elle n'atteigne le lit pour le déborder, ses yeux commencèrent à devenir pesants. Elle se laissa tomber dessus et ramena le drap sur elle avant d'éteindre la lampe de chevet.


Roy quitta son service plus tôt que prévu, sa montre n'affichait pas encore cinq heures lorsqu'il referma la porte derrière lui. Le silence l'apaisa après le tumulte incessant des urgences de l'hôpital de Kennewick. Il éprouvait toujours le même plaisir en reprenant possession de son domaine. Il monta à l'étage, déposa sa mallette au bureau et retira sa cravate avant de se diriger vers la salle de bains. Il se doucha, savourant chaque seconde de cet instant de détente absolue avant de se coucher.
Julia dormait à poings fermés, elle ne se réveilla même pas quand il se glissa à ses côtés. Roy n'appréciait pas trop qu'elle se gave de sédatifs, elle finirait par ressembler à un zombie et puis ça ne résoudrait pas ses problèmes. Appuyé sur son coude, il la regarda dormir dans la pénombre pendant quelques instants puis il se mit à bailler, posa un baiser sur sa joue et s'endormit.

******


La lumière du jour pénétra lentement entre les volets et dans la rue de Colonial Street la vie reprenait son cours. Comme tout les autres jours de la semaine, Julia Fairmont se leva la première, glissa sous la douche en enchaînant plusieurs mousses du gel de douche parfumé au fleurs de jasmin. Elle se frotta de toutes ses forces, se griffa de gestes appuyés puis se pomponna devant le gigantesque miroir. Par chance ses agresseurs ne l'avaient pas frappé aux yeux autrement comment dissimuler leur tuméfaction ? Les marques sur ses pommettes et ses tempes nécessitèrent plusieurs couches de maquillage, elles lui semblaient plus étendues qu' hier soir. Pour cacher celles de son cou, rien de plus simple, elle enfila un pull dont elle déroula le col jusqu'au menton. Elle pouvait très bien avoir une angine après tout. Les manches du vêtement descendaient très bas dissimulant ses poignets entaillés par les menottes avec des bleus remontant jusqu'à la moitié du dos des mains. Elle s'appliqua à maquiller son regard et ses lèvres. Hormis les meurtrissures physiques, il lui sembla que rien ne s'était passé hier soir. Elle était sortie boire un verre « Chez Joey », avait considéré la rue par le carreau sale de la fenêtre de longues minutes avant de rentrer chez elle. Le voyant rouge de la machine à laver l'interpella. Quelle idée de faire tourner la machine le soir ? Elle s'empara du chemisier noir, du pantalon et de ses sous-vêtements qui venaient de subir un lavage des plus musclés les laissant totalement informes. Que lui avait-il prit de mettre des textiles fragiles sur un programme aussi puissant ? Elle s'en voulu d'être aussi étourdie, son splendide costume ne valait plus rien.
Tandis qu'elle le laissa tomber dans la panière à linge, elle songea à son collier de perles. Hier soir, elle ne l'avait pas enlevé. Ses doigts tâtèrent son cou sur le pull, elle le senti, il était toujours là. Son manque de précision dans son rituel du coucher la laissa perplexe, elle décrocha le fermoir et le fit couler entre ses doigts. « Putain c'est chic cette merde ... », murmura-t-elle d'une voix blanche. Ses doigts tremblaient si fort que le bijou tomba sur le carrelage aussi propre qu'il semblait un miroir. « Tu sais à quoi ça me fait penser ? Répond... ». Elle se baissa pour le ramasser et, une fois à genoux, observa son reflet. « Je... je ne sais pas... Je sais qu'elles sont en nacre pure mais je... »

La porte s'ouvrit et Roy apparut visiblement ensommeillé.

« Bonjour Chérie », bailla-t-il. « T'as perdu quelque chose ? Et puis je crois t'avoir entendu parler tu as besoin d'un truc ? »

Julia arrêta ses gestes et se redressa. Sans qu'elle ne comprenne pourquoi, une angoisse lui nouait la gorge, elle craignait qu'il ne se doute de quelque chose. Avait-elle assez camouflé ses blessures ? La lueur halogène de la salle de bains faisaient ressortir tout les défauts.
Elle baissa la tête en tortillant les perles dans ses mains.

-« Bonjour Roy... Non, non je n'ai rien perdu. Je me récitais les impératifs de la journée afin de ne rien oublier »

-« Tu as le droit de me regarder quand tu me parles »,
rétorqua-t-il d'un ton amusé. « Et ne te sens pas obligée de te justifier ». Il passa devant elle, s'empara de la brosse à dent qu'il tartina de dentifrice. Julia inspira profondément, releva le menton en une allure des plus hautaines et quitta la pièce. « Ne te sens pas obligée non plus de cuisiner des pancakes », cria-t-il. « On peut très bien se contenter de ce qui reste »

Le couvert sur la table, le jus d'orange, le thé, le lait, les céréales et les biscuits s'alignèrent en rang comme pour un test de consommateurs.
Andrew descendit le premier, puis Danielle et Roy. Après le salut habituel dénué de toute forme d'affection, ils s'installèrent à la table du salon.

« Tu ne manges pas avec nous ce matin ? », questionna le jeune garçon. Devant le silence de sa mère, assise les jambes croisées sur le canapé du salon le regard absent, il poursuivit. « T'as fichu quoi hier soir dans la salle de bains. T'y es bien rester deux heures ? ». Il voulait savoir après avoir entendu de drôles de mots prononcés un peu trop forts, des mots bizarres pour être prononcés par sa bouche.

Elle ne répondit pas, les yeux fixés sur un point immobile dans le bouquet de glaïeuls. Ils s'accrochèrent tout les trois du regard mais Andrew restait le plus intrigué des trois. Hier soir, il surprenait sa mère parler toute seule à Tiffany, son amie de Northside, à faire des gestes fantômes et dans la salle de bains sortir des propos obscènes entrecoupé de rires et de sanglots. Soit elle perdait complètement la boule, soit elle picolait trop mais elle ne devait pas rester comme ça.

« Oh tu m'entends quand je te cause ?! », s'agaça-t-il. Roy le calma d'un geste de la main mais il renchérit: « Nan mais tu te fiches de moi ! Ça te fais rien que Maman ressemble à un malade d'Alzheimer à un stade critique ? »

-« Ne dit pas ça Andrew. Je pense que ta mère est fatiguée... N'est ce pas Chérie ? »

Julia cligna des paupières, les observa les uns après les autres avant de sourire d'un air tranquille:

-« Oui vous savez très bien que la chaleur ne me réussit pas »

-« Pffff ! Tu me saoûles ! »


L'adolescent quitta la table, attrapa son sac de cours et parti en claquant la porte. Gênée, Danielle terminait son thé, cherchant le regard de son père qui lui apparut plus dépité que jamais.

« Hum... », toussota la jeune fille. « C'est génial que tu aies ton week-end papa.... Il fait très beau nous pourrions faire un petit barbecue... ». Le médecin se dérida légèrement :

-« Oui c'est une très bonne idée ! Qu'en penses-tu Julia ? Danielle me suggère que... »

Il s'arrêta net, elle ne les écoutait pas du tout, glissant entre ses doigts le collier de perles, le fixant avec des prunelles éteintes presque vitreuses tandis qu'un drôle de rictus animait son visage ciré de fond de teint. Il glissa nerveusement une main dans ses cheveux en brosse et soupira: « Danielle c'est une excellente idée. Je crois que ça nous fera du bien à tous... Allez je file. Je serai à la maison ce soir, les gardes sont terminées pour la semaine »

Il posa un baiser chaleureux sur le front de sa fille, se dirigea vers la porte et arrêta son pas en jetant un œil à sa femme qui ne cogitait même pas son départ ou qui feignait de ne pas le voir: « A ce soir Julia. JULIA!!! »

Elle sursauta, lâcha le bijou qui roula sur le parquet en châtaigner. Ses épaules se fermèrent tout comme ses paupières, elle rentra la tête et frissonna sans rien dire.

« A ce soir », lança-t-il excédé, claquant à son tour la porte derrière lui.

Danielle ne comprenait pas vraiment l'état de sa mère. Est-ce-que cela pouvait être provoqué par un peu trop d'apéritifs ? Elle l'ignorait mais se sentait particulièrement décontenancée. Elle attrapa un biscuit et se dirigea vers le canapé pour s'y asseoir. Tendant le cookie à sa mère elle s'efforça de prendre un ton empathique, limite compatissant, comme Julia lui avait enseigné lorsqu'il fallait s'adresser à un individu qui montre sensiblement un problème.

« Tu devrais manger un peu quand même »

Rien à faire, elle ne bougea pas, tendue comme un arc, les paupières toujours crispées. Danielle attendit. « Ils sont d' hier tes cookies mais ne t'en fais pas ils sont délicieux ». Elle posa une main sur son épaule qui se contracta sous sa peau. Elle devait sortir encore un truc pour la motiver mais quoi ? Un état pareil l'inquiétait. Sa mère ressemblait un peu à ces possédées de films qu'elle regardait en cachette avec ses copines de Chicago. Peut être qu'en disant une phrase en latin... « Regna terrae... can...cantate deo... Psallitte domino ! ... ». Danielle s'arrêta net, un courant d'air glacé venait de traverser la vaste pièce, faisant voler les rideaux et vibrer la fenêtre derrière elles. Bon elle devait arrêter la comédie. Elle secoua Julia qui sembla tirée de sa prostration, elle leva les yeux sur sa fille qu'elle considéra de longs instants sans rien dire.
« Maman je dois partir, je vais être en retard. Mange ça ». Elle lui colla le gâteau dans la main et posa une bise sur sa joue.

La porte claqua encore une fois. Encore une fois le bruit chanta son écho dans les moindres recoins de la demeure mais aucune paire d'yeux n'habitait les miroirs. Non... La vaisselle remplissait les meubles, les vêtements eux logeaient dans les dressings mais dans les miroirs... Rien, il n'y avait et il n'y aurait jamais rien.
Lentement elle porta son attention sur le cookie qu'elle posa sur la table basse et ramassa le collier de perles. A nouveau, elle le fit glisser entre ses doigts, les lèvres serrées, les yeux consumés d'une détresse effrayante par son détachement. « Non... Non je l'ignore... Ce sont juste des perles... des vraies en nacre... Je ne sais pas du tout ce à quoi cela peut vous faire penser... Je vous jure que je l'ignore mais... je vous en prie... laissez-moi... » Son timbre tremblait mais, lorsqu'elle eut terminé, un sourire glissa sur ses lèvres et ses prunelles s'allumèrent d'une joie particulièrement douce. Elle referma sa prise sur le collier qu'elle porta sur son cœur. « Oui... Je le sais maintenant. J'ignore si la lune peut pleurer, je me souviens de son reflet il était si clair hier soir. Je crois que si un jour des larmes pouvaient couler sur ses joues et bien, elles ressembleraient à ces perles ».
Julia se leva, s'avança vers la fenêtre et tira le rideau pour observer le quartier baigné de la lumière de ce début de matinée.



Qui pourrait croire que de derrière la fenêtre le monde n'existe pas réellement ? Les passants, la couleur des arbres, le salut du facteur ou encore le bruit d'un crissement de pneus sont autant de petites choses pouvant sans mal endosser le costume d'un univers onirique, indépendant de la réalité, indépendant de nous.
Et si nous observions l'autre coté de la vitre, qui pourrait croire que les univers de chacun d'entre nous ne sont pas ce qu'ils semblent en apparence ? Le baiser d'une femme à son époux, l'air mêlé de compassion et de culpabilité du fils qui passe voir sa mère souffrante avant de rejoindre son travail et, après son travail le foyer qu'il a créé à son tour ou encore le salut de la main d'un voisin qui a tant à cacher... Nous ignorons ce qui se trame chez les autres, nous n'apprenons que ce que nous voulons savoir.
Qui pourrait croire qu'au cœur même de certaines familles, les pires souffrances seront tut à jamais ? Comment intégrer, contraindre notre empathie, notre amour des autres à accepter l'inacceptable lorsque nous sommes impuissants, réduits à écrire un article dans un journal bien caché dans la boîte à gant de notre voiture ?
Peut-être qu'il n'y a rien à croire, que finalement tout cela n'existe pas réellement si nous oublions. Car de derrière la fenêtre, tout ce que l'on peut imaginer n'est pas vraiment là mais de derrière la porte de notre cœur rien ne disparaît. Peut-être que la terreur, l'humiliation, la souffrance qui consument toute parcelle de joie de vivre se cacheront quelques instants mais elles sauront se rappeler à nous pour nous faire comprendre que les larmes sont faites pour couler.



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